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Protection contre le coronavirus : Quand les Burkinabè prennent d’assaut les pharmacies

C’est officiel, le nouveau coronavirus est dorénavant sur le sol burkinabè. En effet, selon la déclaration faite par le ministère de la Santé le 9 mars 2020, un couple ayant séjourné en France a été testé positif audit virus. Une nouvelle qui n’a pas laissé de marbre les Ouagalais car, pour se protéger, beaucoup ont préféré prendre d’assaut les pharmacies pour acheter des masques protecteurs et des gels hydro-alcoolisés. C’est le constat que nous avons fait hier, mardi 10 mars 2020, avant de nous rendre au service d’épidémiologie et d’information sanitaire du CHU de Tengandogo, où sont pris en charge les deux premiers patients du Covid-19.

 

 

En se réveillant le matin du mardi 10 mars 2020, les Burkinabè se sont efforcés d’adopter de nouvelles habitudes face aux deux cas confirmés de coronavirus qui sont pris en charge au Centre hospitalier universitaire de Tengandogo. Port d’un masque de protection, salutations à distance ou avec les pieds, lavage des mains au gel hydro-alcoolisé, chacun y va de sa méthode. En circulation comme dans les lieux de travail, les « cache-nez » ne passent pas inaperçus. Certains acquièrent même les leurs auprès de vendeurs ambulants pour qui c’est le moment de faire de bonnes affaires. Pareil pour les officines pharmaceutiques où nous avons fait un tour. 

Il est environ 10 heures lorsque nous arrivons à la pharmacie de l’Hôpital, qui est bondée de monde à toute heure du jour et de la nuit. Difficile donc de savoir si l’affluence s’est particulièrement accrue. Mais après quelques renseignements, une dame nous fait savoir qu’en matière de masques de protection et de gel hydro-alcoolisé, la demande est très forte. « Nous avons tout vendu ce matin. On n’a plus rien en stock », a-t-elle déclaré. A la question de savoir si on peut avoir un entretien officiel, notre interlocutrice nous apprend qu’en l’absence de la responsable, elle ne peut pas répondre à nos questions. Néanmoins, elle nous fait savoir qu’une commande a été passée et que dans la soirée même, l’établissement devrait recevoir ces produits qui se feront de plus en plus rares à Ouagadougou.

 

Le masque protecteur à 750 F CFA

 

A la pharmacie Koulouba, l’affluence est celle des grands jours, si bien que le local paraissait subitement plus restreint que d’habitude. Impossible de se déplacer sans frôler une ou deux personnes au passage. Tout le personnel porte un « cache-nez » et le comptoir qui voit défiler les clients est pulvérisé par moments pour venir à bout d’éventuels microbes. Pas de répit pour les vendeurs qui n’ont pas une minute à nous consacrer. Nous nous rabattons sur la clientèle dont la majorité repart les bras chargés de gel et de masques. C’est le cas de Yasmine Ouédraogo, étudiante et professeur vacataire, qui a fait le plein pour sa famille. « Par précaution, j’ai pris une dizaine de masques et autant de flacons de gel », a-t-elle expliqué. Si la jeune femme a choisi les masques selon des modèles qu’elle a souvent vus à la télé, l’autre critère de choix était le prix, soit 750F CFA l’unité. A son avis, plus c’est cher, plus c’est bon, même si elle est consciente qu’il s’agit d’un tarif de circonstance puisque, en temps normal, « le cache-nez qu’elle a acheté est vendu à 100 F CFA l’unité ». Mais ce n’est pas un problème du moment qu’elle se sent protégée. Un avis partagé par Michel Dianda, technicien en audiovisuel, pour qui il est essentiel de suivre les consignes données par le ministère. Il trouve également que le type de masque importe peu, du moment qu’on en porte un. Mais le Dr Mohamed Samandoulougou que nous avons rencontré à la sortie d’une pharmacie, le masque bien enfilé, a des doutes sur la capacité de protection de certains « cache-nez », notamment ceux destinés à la chirurgie qu’il portait d’ailleurs.

Au CHU de Tengandogo où nous nous rendons aux environs de 14 heures, nous faisons le même constat : la plupart du personnel, même les vigiles, portent des masques. Nous prenons des nouvelles du couple burkinabè rentré de Mulhouse (France) le 24 février dernier et qui a été testé positif au coronavirus après que la femme et son mari ont présenté des symptômes. Pour le Dr Noélie Yaméogo, ils sont pris en charge par leurs équipes qui se battent pour qu’ils se rétablissent. S’agissant des mesures prises par les populations, elle a déclaré que les gens ont raison d’avoir peur puisque partout dans le monde, on ne parle que de ce coronavirus qui a fait plusieurs décès. « Cependant nous voulons les rassurer car, même si la maladie se transmet très facilement et que son potentiel clinique est très élevé, sa létalité (risque d’entraîner la mort) n’est pas très élevée, contrairement à Ebola », a indiqué la spécialiste, soulignant que le Covid-19 n’est pas aussi mortel qu’on le croit et que le taux de guérison est de 80%, donc très élevé. A son avis, les dispositions qu’ils prennent sont bonnes mais il ne faut pas que cela se transforme en psychose. « Tant qu’on n’a pas été en contact avec un cas avéré ou suspect, il n’y a pas de raison de s’affoler. On vit avec le rhume, la fièvre et la toux depuis longtemps », a déclaré la spécialiste.

 

De loin, nous avons observé le bâtiment où sont confinés les deux cas

 

Quel modèle de masque doit-on privilégier ? A cette question, notre interlocutrice n’a pas voulu entrer dans les détails car cela pourrait contribuer à faire la publicité des uns ou des autres. « En porter un n’est déjà pas mal. C’est un bon réflexe, vu que ça nous protège contre la poussière par exemple. Cela s’avère vraiment obligatoire quand on est dans un milieu hospitalier où il y a des patients », s’est-elle contentée de dire.

Le service d’épidémiologie et d’information sanitaire du CHU de Tengandogo est chargé de la surveillance des maladies à potentiel épidémique au sein de l’hôpital, de gérer l’information sanitaire à ce niveau et de coordonner la recherche. Il participe à la gestion de ces cas suspects sur plusieurs plans (l’investigation, le transfert du patient, sa gestion dans le bâtiment d’isolement, les mesures d‘hygiène à prendre pour limiter la diffusion du virus à partir du bâtiment où les patients sont isolés et la formation du personnel soignant). Il a participé au plan de cloisonnement du bâtiment où les cas suspects sont pris en charge. Avec des masques sur le nez, nous avons eu l’occasion de regarder ledit bâtiment de loin. Quelques visiteurs qui cherchaient à y pénétrer ont très vite été réorientés avant qu’une autre dame ne se présente devant la porte vitrée pour demander des plats. Un agent de santé fait irruption, lui tend les affaires et retourne tout de suite à l’intérieur. Selon le Dr Yaméogo, il faut porter une combinaison (avec des masques, des bottes, etc.) pour entrer dans ce lieu. Toutes les précautions semblent être prises pour minimiser le risque de propagation du virus, que ce soit en interne ou en externe.

Zalissa Soré

Bernard Kaboré

 

Encadré 1

Eviter les grands rassemblements

Depuis l’apparition du Covid-19, des mesures d’hygiène ont été recommandées par les professionnels pour diminuer le risque de propagation. Ainsi, il faut éviter tout contact étroit avec une personne présentant des symptômes de type grippal, se couvrir le nez et la bouche avec un mouchoir ou éternuer dans le pli du coude, bien cuire la viande et les œufs et ne pas entrer en contact direct avec des animaux sauvages ou d’élevage. Pour le Dr Yaméogo, responsable du service d’épidémiologie et d’information sanitaire au CHU de Tengandogo, le plus important, c’est de se laver régulièrement les mains à l’eau et au savon ou, si possible, d’utiliser une solution hydro-alcoolique. « Cette méthode est efficace pour prévenir le risque de transmission, surtout qu’on ne peut pas dire aux gens de ne pas se saluer. C’est pourquoi nous invitons les uns et les autres à l’adopter. Ça doit être un réflexe », a déclaré le Dr Yaméogo. La spécialiste conseille aussi à la population d’éviter au maximum les manifestations qui regroupent beaucoup de monde. Au moindre signe, que ce soit la fièvre, la toux ou d’autres symptômes grippaux, il faut se rendre dans une formation sanitaire, surtout si on a été en contact avec des gens qui ont présenté la maladie.

Si vous avez séjourné dans un pays touché par le coronavirus, pendant 14 jours après votre arrivée, prenez votre température matin et soir, surveillez l’apparition de symptômes d’infection respiratoire (toux, difficultés à respirer…), portez une bavette lorsque vous êtes en face d’une autre personne et lorsque vous sortez, lavez-vous les mains régulièrement au savon ou utilisez un gel hydro-alcoolique, évitez tout contact avec les personnes fragiles (femmes enceintes, malades chroniques, personnes âgées…) et évitez toute sortie non indispensable (grands rassemblement, restaurant, cinéma…). En cas de fièvre ou de sensation de fièvre, de toux, de difficultés à respirer, dans les 14 jours suivant votre arrivée, contactez la cellule de veille à travers les numéros d’appel (226) 01 60 89 89 ou (226) 52 19 53 94.

Z.S.

 

Encadré 2

Du plan de riposte gouvernemental

Découvert en décembre 2019 dans la ville de Wuhan en Chine, le Covid-19 s’est propagé aux autres villes du pays et sur tous les continents. A la date du 10 mars 2020, on était à 117 000 malades confirmés dont 4 200 morts. En Afrique, une dizaine de pays sont touchés et les premiers décès ont été enregistrés en Egypte. Sur une centaine de pays touchés, le Burkina est l’un des derniers à rejoindre la liste. Mais à en croire  le ministre de la Santé, Claudine Lougué, le pays est sur le pied de guerre et ce, bien avant l’enregistrement des premiers cas. Entre autres, elle a cité l’élaboration d’un plan de riposte, la mobilisation des ressources, la formation des équipes d’intervention rapide, le renforcement des capacités des structures de prise en charge (formation des acteurs, équipement, supervision), la réfection du site d’isolement et de prise en charge au CHU-Tengandogo, la surveillance  aux points d’entrée (terrestre, ferroviaire et aéroportuaire).

B.K.

 

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