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Présidentielle 2020 : «Kadré est le mieux indiqué pour créer la rupture positive» (Boubacar Diallo, président d’«Agir ensemble pour le Burkina»)

Quand on parle du «Mouvement Agir ensemble pour le Burkina», on ne pense qu’à son candidat à la présidentielle, Kadré Désiré Ouédraogo. On en oublie quasiment que le parti a un président, Boubacar Diallo, ingénieur des mines de son état et ancien militant du CDP. Entretien avec celui qui pense que son champion, au regard de son pedigree, a toutes les chances d’emménager à Kosyam en novembre prochain.

 

 

A l’évidence, on connaît plus votre candidat que vous-même qui êtes pourtant le président du parti. Commençons donc par faire davantage connaissance.

 

Professionnellement, je suis ingénieur de la géologie et des mines. J’ai fait mes études à l’Ecole nationale supérieure des mines de Paris d’où je suis sorti en 1979 avec un diplôme d’ingénieur. J’ai ensuite travaillé pendant 32 ans dans l’administration minière du Burkina, notamment au Bureau des mines et de la géologie (BUMIGEB), au ministère de la Promotion économique, au ministère du Commerce de l’Industrie et des Mines puis au secrétariat d’Etat à l’Energie et aux Mines où j’ai été secrétaire d’Etat de 1989 à 1991.

Présentement je suis consultant international dans le secteur des mines. A ce titre, j’ai travaillé jusqu’à la date d’aujourd’hui (l’interview a eu lieu le 23 février) en Côte d’Ivoire, au Niger, en Guinée, au Bénin, au Togo et en RDC.

Sur le plan politique, depuis 1990 j’ai été membre de l’ODP/MT qui est devenue ultérieurement le CDP. J’ai été militant de ce parti, toujours élu au bureau politique national jusqu’au congrès de mai 2018 à l’issue duquel j’ai  été élu au Haut Conseil. J’y suis resté jusqu’en septembre 2019 où j’ai créé avec d’autres camarades le Mouvement « Agir ensemble pour le Burkina Faso» dont je suis le président.

 

De l’ODP/MT à «Agir ensemble pour le Burkina» en passant par le CDP, votre militantisme ne date pas de maintenant. Mais pourquoi avoir quitté le CDP en 2019 et quel sens donnez-vous à votre engagement politique aujourd’hui ?

 

Parce que les méthodes de gouvernance du CDP ne correspondent plus aux idéaux qui ont milité pour mon engagement en politique. Je ne m’y retrouve plus. J’ai donc écrit au président de ce parti pour lui dire que je démissionnais. Mais je n’ai pas voulu mettre fin à mon militantisme politique d’autant plus qu’une année auparavant, j’avais contribué à animer l’initiative Kadré Désiré Ouédraogo. C’est pourquoi avec d’autres camarades, nous avons lancé le «Mouvement Agir ensemble pour le Burkina Faso», nous donnant ainsi un cadre politique pour mieux nous exprimer sur les enjeux socio-économiques de développement de notre pays.

« Agir ensemble pour le Burkina » est héritière des aspirations d’un certain nombre de concitoyens qui rêvent d’une meilleure gestion de notre pays et qui estiment que Kadré Désiré Ouédraogo peut créer la bonne rupture espérée. C’est dans cette logique qu’Agir ensemble lui a demandé en novembre 2019 d’être son candidat à la présidentielle à venir. Notre choix prend en compte l’analyse de la situation nationale, les compétences de l’homme et les aspirations au changement de la majorité des Burkinabè.

Mon engagement politique aujourd’hui s’inscrit donc dans le sens d’une action militante pour une meilleure gouvernance politique, économique et sociale du Burkina.

 

Doit-on donc s’attendre à voir le président d’Agir ensemble briguer un mandat électif autre que celui de président du Faso dans l’espoir d’impulser cette meilleure gouvernance du pays à une autre échelle de décision ?

 

A mon âge (Ndlr : 70 ans), avoir un mandat électif n’est pas ma préoccupation première, même si on peut y penser. Ce qui est fondamental pour moi, c’est qu’à l’issue de la présidentielle de cette année, le choix des Burkinabè se porte sur notre candidat, Kadré Désiré Ouédraogo. Pour y arriver, nous travaillons à une bonne implantation du parti et à sa cohésion. Si dans cette dynamique nous avons beaucoup d’élus au Parlement et par la suite dans les conseils municipaux, nous  serons satisfaits. Mon ambition est de voir notre formation politique grandir pour s’imposer comme un parti incontournable de l’échiquier national ; un laboratoire d’idées novatrices pour un mieux-être des populations.

 

C’est une ambition noble. Encore faut-il qu’un programme politique la sous-tende. En avez-vous élaboré un ? Si oui, quels en sont les grands axes ?

 

Le parti a été fondé sur la base d’un manifeste qui contient son programme politique. Pour le fonctionnement quotidien du parti, nous avons bien entendu des statuts et un règlement intérieur.

Le manifeste d’«Agir ensemble» lui définit clairement une orientation sociale-démocrate. Nous nous inscrivons dans l’idéologie de la social-démocratie.

 

Cela veut dire quoi pour vous, la social-démocratie ?

 

 Cela veut dire très synthétiquement, un régime politique ouvert avec des institutions républicaines qui garantissent le respect des droits humains, l’équité sociale, la promotion d’une économie de libre concurrence, créatrice de richesses, d’emplois et surtout une bonne répartition des fruits de la croissance générée.

 

Si vous deviez résumer le manifeste politique sur la base duquel votre parti a été créé, quels sont les principaux points que vous retiendriez ?

 

Les principales idées qui constituent l’ossature de notre manifeste et définissent notre programme politique portent sur  la protection de la souveraineté nationale. Cela implique la  restauration de l’autorité de l’Etat et la préservation de l’intégrité de notre territoire. Ce sont là des impératifs de sécurité intérieure et aux frontières du pays. Le deuxième axe de ce programme porte sur la réconciliation nationale. Quand on voit toutes les initiatives qui vont dans ce sens, on se convainc que c’est un besoin vital pour notre pays. Un troisième point important dans ce manifeste se rapporte à la bonne gouvernance avec ce que cela implique comme orthodoxie dans la gestion du bien public, le respect des droits de l’homme, la justice indépendante et accessible à tous, la promotion d’un environnement macroéconomique favorable à l’investissement et à l’épargne, le développement des secteurs sociaux : la santé, l’éducation, la formation professionnelle pour bonifier le capital humain, l’accompagnement des secteurs productifs, à savoir l’agriculture, l’élevage, les mines, bref, nous avons un programme ambitieux mais réaliste pour booster le développement du pays dans une perspective d’intégration régionale et continentale.

 

Le drame avec nos partis, c’est que les bonnes intentions égrenées dans leurs programmes restent des vœux pieux quand ils arrivent au pouvoir. En quoi le vôtre fera-t-il différemment notamment en termes d’amélioration du contenu du panier de la ménagère et de lutte contre le chômage, des questions qui contribuent au bouillonnement du front social ?

 

L’amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs et la création d’emplois sont effectivement des questions cruciales dont la résolution devrait préoccuper tout parti qui ambitionne de conquérir le pouvoir d’Etat. «Agir ensemble» a longuement abordé ces sujets dans son manifeste et le programme politique de notre candidat en élaboration viendra fixer les actions concrètes et les moyens à déployer pour leur mise en œuvre. Je ne voudrais donc pas devancer l’iguane dans l’eau mais je dirai simplement que le problème du chômage des jeunes résulte des difficultés, des insuffisances et de la non-pertinence du système éducatif en amont. L’une de nos priorités, si notre candidat est élu, ce sera de résoudre les difficultés qui handicapent les performances de l’école burkinabè en matière de qualification professionnelle.

 

Votre parti vient de s’affilier au chef de file de l’opposition. Cela veut dire clairement que vous n’êtes pas satisfait de la gouvernance actuelle du pays. Quels sont les principaux griefs que vous avez contre le pouvoir de Roch Kaboré ?

 

Le cadre de vos colonnes est étroit pour que je puisse y égrainer le chapelet de griefs que j’ai à l’encontre du pouvoir en place. Ils sont nombreux. Le Burkina va mal. On en voudrait pour preuve les conflits sociaux qui éclatent par-ci par-là avec les revendications légitimes des syndicats. Plus grave, la situation sécuritaire du pays est des plus désastreuses. Il ne se passe plus un jour sans que des Burkinabè tombent ici et là, victimes des balles assassines de groupes armées terroristes et cela à cause de l’incapacité de ce régime à assurer l’un des rôles premiers de l’Etat : la défense de l’intégrité du territoire national. Il s’ensuit des risques d’affrontements communautaires ; pourtant les Burkinabè étaient habitués à vivre harmonieusement ensemble. Cette défaillance à protéger les personnes et leurs biens, voire la communauté de destin de nos populations, est le grief principal que j’ai contre le pouvoir de Roch Kaboré. A côté de cela, il y a bien entendu, l’exacerbation de la pauvreté du plus grand nombre en campagne comme dans les centres urbains. Même ceux-là qui avaient le luxe de se payer trois repas par jour n’y arrivent plus. Le pays s’enfonce dans la pauvreté. Tout cela résulte des insuffisances criardes dans la gestion du pays. Ce n’est pas de la médisance puisque les faits parlent d’eux-mêmes avec la multiplication exponentielle des conflits sociaux marqués par des grèves dures et l’incapacité du pouvoir à obtenir des partenaires sociaux la trêve sociale qu’il réclame depuis des années. Il faut que tout cela change et pour nous, Kadré Désiré Ouédraogo est l’homme de la situation.

 

Pourquoi lui et pas un autre parmi les prétendants à la magistrature suprême ?

 

Pour son background professionnel, technique et politique qui nous permet de voir en l’homme des prédispositions, des aptitudes à impulser une gouvernance novatrice et vertueuse. On l’a vu à l’œuvre quand il était Premier ministre, ambassadeur auprès de l’Union européenne, président de la Commission de la CEDEAO. Des postes éminemment politiques et techniques où il a fait valoir ses compétences dans la gestion des hommes, de l’économie, de l’administration publique, avec beaucoup de qualités technocratiques et humaines dont l’humilité. Kadré Désiré Ouédraogo est un homme humble. Cela le prédispose à être à l’écoute des populations. C’est cet ensemble de qualités technocratiques, professionnelles et politiques qui nous font dire qu’il est le plus indiqué pour créer la rupture positive dans la gouvernance de notre pays.

 

Il a été l’un des Premiers ministres de Blaise Compaoré. Vous-même vous êtes un de ses anciens ministres. Certains analystes font rapidement des liens avec vos choix du moment et disent que la création de votre parti a été inspirée par l’ancien président. Que répondez-vous à cela ?

 

  Moi, je ne suis pas au courant de cela.

 

Vous démentez donc que votre parti ait des liens avec Blaise Compaoré ?

 

Je vous réponds que je ne suis pas au courant de cela. Je sais par contre qu’il est le père fondateur du CDP et qu’il continue d’entretenir des liens étroits avec ce parti.

 

Comment évolue votre parti quelque six mois après sa naissance ?

 

Depuis sa création le 7 septembre 2019, il porte bien son nom. Nous ratissons large dans la mobilisation et des structures du parti sont déjà dans toutes les régions du pays et dans 41 provinces sur les 45 que compte le Burkina. Il y a des régions où l’ensemble des structures provinciales ont été mises en place. Les seules provinces où nous n’avons pas encore mis en place les structures du parti sont dans les régions où sévit l’insécurité et où il est difficile de tenir des assemblées générales. C’est le cas du Soum, de la Gnagna, de la Komandjari et de la Kompienga. Dans ces 4 provinces, nous n’arrivons pas à mettre en œuvre notre directive d’implantation des structures du parti même s’il est vrai que nous y comptons de nombreux militants organisés en points focaux et en comités informels de soutien à notre candidat.

 

Quel sens donnez-vous à votre logo où l’on voit une carte du Burkina avec une colombe en vol et deux mains ouvertes sous la carte ?

 

Notre logo a été inspiré par le contexte sociopolitique national dans lequel le parti a été créé. La carte symbolise notre volonté de rassembler tous les Burkinabè et de travailler à cimenter le destin commun des populations qui y vivent. La colombe renvoie à notre désir de paix et de sécurité et les mains ouvertes qui portent l’ensemble, évoquent le besoin d’un effort collectif, d’agir ensemble, pour porter le Burkina sur les chemins du développement, de la prospérité au bénéfice de toutes les populations.

 

Revenons au problème de la réconciliation nationale que vous avez évoqué plus haut. Il y a plusieurs scénarios qui sont proposés dont le plus courant est vérité-justice-réconciliation. Votre parti a-t-il des propositions pour y parvenir ?

 

La réconciliation nationale, tout le monde en parle au Burkina. C’est la preuve qu’elle est incontournable. Il faut y aller courageusement car on ne peut pas développer ce pays sans se donner la main. «Agir ensemble» se réjouit que plusieurs initiatives soient prises afin d’atteindre cet objectif. Notre proposition, c’est de réunir tous les auteurs et acteurs de ces initiatives en une plateforme, écouter les uns et les autres, faire une synthèse de leurs propositions sur la base de laquelle on élaborerait un schéma et un agenda de la réconciliation nationale. Cela doit se faire dans le cadre d’un dialogue inclusif. Il ne serait pas bon de mettre de côté des acteurs, des fils, des populations de ce pays et dire que l’on recherche l’unité et la cohésion nationale. Dans la plupart des pays où il y a eu des fractures du genre que le Burkina connaît, ils ont pu ressouder le tissu social par le dialogue inclusif, prélude à un schéma, assorti d’un agenda, sans logique de vainqueurs qui en imposent indéfiniment à des vaincus.

Ce dialogue inclusif doit être impulsé par les tenants actuels du pouvoir. C’est de leur responsabilité première. Je note qu’il y a eu dans le passé des tentatives de dialogue national mais cela n’a pas marché. Pourquoi ? Il faut chercher à comprendre. Y a-t-il des raisons politiques, économiques, sociales ou culturelles qui ont fait que la mayonnaise n’a pas pris ? Il faut en chercher les causes, afin de ne pas les reproduire. On le sait, les mêmes causes produisent les mêmes effets dans les mêmes conditions.  Nous n’avons plus droit à l’erreur en mon sens.

 

Sur une échelle de 1 à 10, si vous deviez évaluer les chances de victoire de votre candidat face à ses concurrents qui nous paraissent les plus sérieux (Roch Marc Christian Kaboré et Zéphirin Diabré), quelle note lui donneriez-vous ?

 

 L’exercice me paraît très aléatoire mais ne manque pas d’intérêt pour autant. Pour ma part et par rapport aux candidats que vous citez, notre candidat à toutes les chances d’être élu président du Faso en novembre prochain. Je lui donne 10/10. Le président sortant a objectivement toutes les chances d’être battu : 1/10. Le Chef de file de l’opposition fera un bon score : 9/10.

 

Entretien réalisé par

Zéphirin Kpoda

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