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QUO VADIS ? : Où vas-tu, Pays bien-aimé?

 

Le Burkina Faso comme beaucoup de pays du monde est frappé de plein fouet par la pandémie du Covid-19. Une situation qui fait dire à l’auteur des lignes qui suivent, que «trois cavaliers de l’apocalypse » sont en train de semer la mort, la terreur ou la discorde dans notre pays. Il invite par conséquent les burkinabè au dialogue pour construire leur avenir.

 

 

J’ai peur. La situation de mon pays aujourd’hui me fait peur; de cette peur qui, comme disait le Prix nobel égyptien, Najib Mahfouz, ‘’ne m’empêchera [certes] pas de mourir, mais m’empêche [en ce moment même] de vivre’’. Mortels nous le sommes, mortels nous le resterons. Mais comment continuer à vivre dans la peur et l’angoisse? Comment vivre quand on ne sait pas où la situation nous mène? Comment vivre quand on ignore de quoi demain sera fait? Cette question de rhétorique empruntée à la légende chrétienne traduit ici la peur qui m’envahit; l’incertitude du lendemain. Quo va dis? Où vas-tu [pays bien aimé]?     

 

Souvenons-nous. La transition nous amena, à pas de charge, aux premières élections après B.C. Elles furent belles. Roch Marc Christian Kaboré, RMCK, fut plébiscité; une assemblée nationale plurielle s’installa; la démocratie l’emporta sur les putschistes et les forces centrifuges. Le peuple burkinabè était rempli d’espoir. On allait se mettre au travail sous le leadership d’un pouvoir qui a reçu un mandat clair et franc pour gouverner, ramener la justice, réconcilier, construire. Où en sommes-nous cinq (5) ans après, pays bien aimé? 

 

Loin de moi l’idée de faire ici le bilan du gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré. Je laisse à d’autres plus habilités le soin de le faire. Je me permettrai seulement de noter pour commencer que jamais de mémoire de Burkinabè aucun gouvernement n’avait connu, dès les premiers jours de son accession au pouvoir, autant d’adversité, autant de malheurs, autant de calamités et n’avait été autant acculé, malmené, pressé sur tous les fronts… Comment gouverner dans ces conditions-là? Pourtant, force est de constater que, malgré les coups de boutoirs des adversaires impénitents, malgré le terrorisme et la pandémie, malgré la lutte contre ces fléaux qui mobilisent pratiquement toutes les ressources; malgré une conjoncture socio-politique des plus toxiques, etc. l’Etat et l’administration fonctionnent, les chantiers continuent, voire se multiplient; et cahin-caha, plus par essais et erreurs que par vision, le gouvernement est toujours là et continue de gouverner. L’opinion, pas seulement celle d’une opposition veule et bête dont le seul programme politique se limite à empêcher Roch de gouverner, mais aussi celle du vulgum pecus, ne fait cependant pas dans la tendresse et ne veut  lui reconnaître aucune circonstance atténuante. Elle crucifie sans nuances et affirme par des raccourcis qui ignorent faits, circonstances et conjonctures, et où se mêlent perceptions et réalités, que le pays va mal.

 

 

 

Que faire ?

 

 

 

Qu’au mieux, il piétine, qu’au pire, il recule. On est en démocratie et chacun a droit à son opinion. Ma question demeure, quo vadis pays bien aimé?

 

Trois cavaliers de l’apocalypse chevauchent désormais à travers les villes et les plaines du Burkina Faso, semant la mort, la terreur ou la discorde. Le premier, pour paraphraser le fabuliste Jean de La Fontaine dans ‘’les animaux malades de la peste’’, ‘’un mal venu [d’orient], que le ciel en sa fureur inventa pour punir les crimes de la terre’’, répand aujourd’hui la mort et la désolation sur le monde et sur le Burkina. ‘’Le Coronavirus, puisse qu’il faut l’appeler par son nom…’’.  Que faire ? Le deuxième, un cancer nouveau, celui du terrorisme, s’est métastasé à travers tout le corps social de notre pays et tue par centaines, des personnes qui ne savent pas pourquoi elles meurent; des mains d’autres personnes qui ne savent même pas pour quoi elles tuent. Que faire ? Le troisième enfin, d’origine endogène, est le climat socio-politique du pays. Il est pourri, fétide, nauséabond,  empoisonne tout et engendre la discorde et la haine. Que faire? Pour dire vrai, je n’en sais rien.

 

Je suis seulement convaincu d’une chose: on ne s’en sortira pas si le pouvoir central, l’opposition et les forces du travail, mettant en avant leurs intérêts égoïstes devant l’intérêt du pays continuent à se haïr et à souhaiter la destruction l’un de l’autre. Quo Vadis? Où vas-tu [pays bien aimé]?

 

J’ai écouté religieusement l’adresse du chef de l’Etat à la nation du vendredi 3 avril 2020 durant laquelle il a annoncé une série de mesures que je juge positives; des mesures franches, loin de celles en demi-teinte et des placebos politiques qu’on a l’habitude de nous servir. Il ne faudrait cependant pas que l’arbre de ce discours cache la forêt. Bien que ces mesures soient purement conjoncturelles, le sens de responsabilité et la détermination que le Président nous a montrés à l’occasion devraient constituer un nouveau point de départ, un tournant, un changement de paradigme dans l’exercice de son leadership à la tête du Faso. Trop peu et trop tard? Non! Cependant disons-le clairement, le gouvernement aurait pu et aurait dû mieux faire. Il aurait pu et dû mieux faire s’il s’était départi plus tôt du syndrome de l’indécision qui l’inhibe depuis le début de son mandat; de cette inhibition à la ‘’Pete l’Indécis’’, ce héros de Lucky Luck qui coupe les cheveux en quatre avant d’agir et finit par ne jamais agir. Il aurait pu et dû mieux faire s’il avait su se départir du syndrome de ‘’la peur de gagner’’ ; Ce syndrome qui frappe cette équipe de football qui mène 3 buts à 0 à 15 mns de la fin du match mais finit par se faire battre 4 à 3, parce que paralysée par l’enjeu. Il aurait pu et dû être plus hardi et plus proactif dans ses décisions et faire appliquer la loi, rien que la loi. Il aurait dû tendre la main à l’opposition, en refusant le chantage, et sans reddition. Il aurait dû mettre sur pied une véritable stratégie de communication capable de faire connaître, informer, mobiliser et sensibiliser le public…

 

 

 

Savoir raison garder

 

 

 

Que dire de l’opposition? Acteur majeur de la vie politique du pays, elle devrait redevenir une opposition républicaine, c’est-à-dire: opposer par les idées, cesser d’utiliser la réconciliation comme alibi ou part d’une stratégie de  reconquête du pouvoir, cesser d’applaudir chaque attaque terroriste, chaque mouvement d’humeur syndical ou tout acte posé, y compris les actes terroristes, qui, pense-t-elle, pourraient avoir comme effet d’affaiblir le gouvernement. Elle devrait se départir de la rancœur d’avoir été chassée du pouvoir et enterrée à jamais avec ses rêves de revanche. Elle devrait avancer des propositions ou des contre-propositions concrètes qui pourraient aider le pays à sortir de sa situation au lieu de toujours dénoncer ou de prendre le contre-pied de toute action que décide ou propose le gouvernement. J’avais au départ un peu de sympathie pour l’opposition, surtout son chef de file. J’y croyais même un peu. Cependant, les platitudes infantiles et les banalités qu’elle n’a cessées de déverser depuis, et surtout ses réactions au dernier discours du chef d’Etat, me l’ont définitivement fait tourner le dos. 

 

 

 

Les forces sociales, quant à elles, devraient savoir raison garder. Les acquis sociaux au Burkina Faso sont nombreux. Ils ont été arrachés de haute  lutte  par des gens qui les ont précédées. La lutte est donc légitime, légale et nécessaire pour faire avancer les intérêts des travailleurs. Elle demande beaucoup de courage et de détermination, mais aussi de la lucidité, le sens du devoir et l’esprit de sacrifice. L’intransigeance nuit. Exiger, à l’instar d’Antigone de Jean Anouilh, ‘’d’avoir tout, tout de suite et que ce soit entier ou alors…’’ est déraisonnable et cache des objectifs inavoués. Terroriser, paralyser l’Etat et empêcher le gouvernement de gouverner, semble être devenu le nom de code de revendications-alibis qui cachent mal l’instrumentalisation du mouvement syndical. Le train de vie de l’Etat ? Un leurre! L’Etat burkinabè est aujourd’hui réduit à la portion congrue: pouilleux. Les institutions budgétivores ? Oui, il y a quelques-unes, qui pré-datent le gouvernement actuel.

 

Si on ne veut plus de ces institutions, que l’on demande simplement à l’Assemblée nationale de les supprimer si cela relève de ses prérogatives ; ou alors qu’on utilise les dispositions constitutionnelles idoines. Comme aimait le dire en son temps quelqu’un de ce régime qui considérait la corruption comme un mal nécessaire et que je ne nommerai pas, ‘’les plus belles fleurs du monde poussent sur du fumier’’. La personne oublie seulement une chose: trop de fumier pourrait tuer les fleurs! D’accord donc qu’il faut combattre la corruption ; sans répit et sans complaisance. Mais comment ? Avec des manifestations? Certainement pas. Les voies légales existent. Empruntons-les. L’IUTS sur les indemnités? Le Burkina Faso a une économie de fiscalité (impôts, douane, domaines, timbres). On ne vend presque rien; on achète tout. Néanmoins, le pays vit. Il s’arrange même à avoir des salaires parmi les plus élevés de la CEDEAO et à n’avoir jamais connu un seul jour de retard dans le paiement de ces salaires. L’aide extérieure étant destinée au développement, seuls les impôts nous font donc vivre. Je reconnais que la décision de retenir l’IUTS sur les indemnités  a pu avoir pris les travailleurs de court. C’est pourquoi, comme mesure de compromis et pour amortir le choc - car le gouvernement ne semble pas prêt à revenir sur sa décision - j’aurais négocié le paiement d’une somme forfaitaire (100 000 francs par exemple), payable  en une fois, à tous ceux qui sont affectés par la mesure.

 

 

 

Le pouvoir central connaît la question

 

 

 

En outre, j’aurais jeté mes forces sur des revendications plus fondamentales comme la demande d’une assurance vie qui couvrirait tous les travailleurs en cas de décès ou de blessures ‘’en service commandé’’, c’est-à-dire dans l’exercice de leur fonction. J’aurais aussi  apporté mon soutien au vote d’une loi, si elle n’existe déjà, sur le ‘’rapprochement des conjoints’’ pour éviter qu’un instituteur ou une infirmière servant à Fada-Ngourma ne soit éloigné(e) de son conjoint(e) affecté(e)  à Banfora. J’aurais contemplé d’autres pistes de revendications ou de compromis. Elles existent. Il suffit de les chercher. Un gouffre sépare les deux parties. Face à ces deux pôles aussi antinomiques, la collusion semble inévitable. On creuse les tranchées. L’affrontement sera terrible. Comment l’éviter? Quo Vadis ? Où vas-tu [pays bien aimé]?

 

J’ai peur. La situation me semble sans issue. Que faire? Face à des forces du Mal qui - pour paraphraser la bible (Jean 10 :10) - sont venues pour voler, tuer et détruire, nos leaders politiques et syndicaux ne trouvent pas d’autres répliques que de se déchirer. Le pouvoir central connaît la question mais n’en possède pas la réponse. L’opposition, quant à elle, possède la réponse, réponse à tout. Le hic ? Elle ne semble pas connaître la question. En attendant, comme disait le Professeur Joseph Ki-Zerbo, ‘’n’an laara, an Saara’’ (si on se couche, on meurt). Ne nous couchons pas ! Restons debout et continuons d’avancer. Pour ce, il nous faut du courage, de ce courage, qui, comme disait Nelson Mandela, ‘’n’est pas l’absence de peur’’; mais plutôt celui ‘’qui continue de nous faire avancermalgré la peur’’. Pour conclure, je voudrais, pour emprunter à l’Ecclésiaste de la bible, dire aux gouvernement, opposition et syndicats: il y a des moments où il faut se tenir debout et parler haut et fort. Il y a d’autres moments où il faut s’asseoir et écouter. Asseyez-vous et écoutez-vous les uns les autres. L’avenir du Burkina Faso est à ce prix. Que Dieu protège le Burkina Faso ! 

 

 

 

Kayaba Gomsé Roger

 

Les intertitres sont du journal

 

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