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Suspension des cours : "Mes propositions pour sauver l'année scolaire" ( Dossouro Jonas Sanou, directeur du LAC)

La situation de blocage que connaît le secteur de l'éducation préoccupe plus d'un si bien que  des mesures sont en train d'être prises avec pour seul objectif de  sauver l'année scolaire. A travers cet entretien le directeur du lycée de l’Alliance Chrétienne de Kamboinsin à Ouagadougou se prononce sur certaines mesures et fait ses propositions  pour éviter une année blanche.

 

 

 

Quel est le programme du responsable d’établissement que vous êtes dans un contexte de suspension de cours due au Covid-19 ?

 

Actuellement, tout tourne au ralenti. Ce que nous essayons de faire c’est de maintenir un service minimum à travers une permanence pour pouvoir répondre aux sollicitations des usagers. En plus nous réfléchissons aux scenarii pour achever l’année scolaire en cas de reprise des cours, et parallèlement nous travaillons à préparer l’année scolaire 2020-2021. C’est important, parce que lorsque tout rentrera en ordre, les choses iront très vite, donc mieux vaut anticiper pour ne pas tâtonner après et compromettre l’année scolaire 2020-2021.

En ce qui concerne nos candidats aux examens nationaux, nous avons été amenés à créer des plateformes pour eux sur whatsapp en ciblant certaines matières. Cette stratégie permet de maintenir le contact entre eux mais aussi entre eux et leurs enseignants. C'est pour vous dire que même si tout est en arrêt, un responsable d'établissement ne reste pas sans rien faire

 

Où en étiez-vous avec les programmes de l’année au moment de la suspension ?

 

Pour ce qui est des programmes, il faut dire que conformément aux progressions annuelles des enseignants, l’essentiel était fait. Certains étaient même sur le point d’achever leur programme essentiellement au niveau de certaines classes d’examen.

En ce qui  concerne notre établissement, l’essentiel des programmes a déjà été assuré pour ce que je sais. C'est pourquoi on aura pas du mal à sauver l'année que ce soit par une petite reprise ou par d'autres moyens en fonction bien-sûr de l’évolution de la pandémie. Les autorités s'étaient prononcées pour la reprise le 28 avril avant de se rétracter certainement parce qu'elles  disposent de données suffisantes et objectives pour le faire. Tout le monde veut la reprise, mais à quel prix, dans quelles conditions ? Je pense que c’est là toute la difficulté. Je reste cependant confiant que, grâce à l’ensemble des efforts conjugués, une issue heureuse sera trouvée pour une reprise sereine et apaisée des cours qui tienne compte de la préservation de la santé de tous les acteurs du monde éducatif.

 

A partir de lundi 27 avril,  est rendu obligatoire le port de cache-nez. N'est-ce pas suffisant pour la reprise des cours si tous les élèves en disposent ?

 

Tabler sur le port du masque pour la reprise comporte pas mal de problèmes. Combien sont-ils à pouvoir supporter les masques surtout en cette période de chaleur durant des heures ? N’oubliez pas ce phénomène d’hystérie dont souffrent les établissements ces dernières années. Et ne soyez pas étonnés de voir des enfants s’échanger les cache-nez  comme ils le font pour le pain et le gâteau à la récréation. Si on va plus loin, imaginez toute une classe en cache-nez avec l’enseignant en cache-nez, je me demande quelle sera l’ambiance de la classe dans un climat de méfiance. Le message pourra-t-il passer aussi facilement ? Et ces cache-nez, qui pourra contrôler leur hygiène ? Les enfants pourront-ils les garder durant des semaines sans en perdre ? Bref, c’est autant de préoccupations qui, de mon point de vue, nécessitent qu’on fasse beaucoup attention. la réflexion n'est pas seulement dévolue au ministère ; tous les acteurs de l'éducation de concert avec les autorités sanitaires doivent trouver le meilleur moyen pour que les enfants continuent dans l'acquisition des connaissances

 

Comment appréciez-vous le plan de riposte du ministère ?

 

Je salue d’abord l’effort de réflexion qui a été fait pour voir dans quelles mesures les cours peuvent reprendre. Il faut reconnaître qu’en pareilles circonstances, en tant que responsable, on ne peut pas s’asseoir et attendre que les choses viennent toutes seules. Mieux vaut faire quelque chose que ne rien faire du tout. Diriger, c’est aussi prendre des risques et assumer leurs conséquences. C’est ce qui explique à mon avis toutes ces initiatives. Les TICE qui sont actuellement mises en première ligne, c’est déjà quelque chose. Reste maintenant à les inscrire dans une vision à long terme. C’est vrai tout ne peut pas être parfait mais au moins il y a une volonté claire de sauver l’année scolaire. Cependant certaines initiatives peuvent paraître bonnes à prendre mais la réalité du terrain peut être tout autre. C’est donc le terrain qui commandera la manœuvre. Et c’est justement ce qui doit encourager l’implication de tous les acteurs de bout en bout de sorte que tout le monde se sente responsable et s’implique au moment de la mise en œuvre. Ce qui suscite beaucoup de débats aujourd’hui, c’est le rapport coût-impact de toutes ces stratégies. Il revient à qui de droit d’œuvrer de telle sorte que tous ceux qui sont de bonne foi finissent par reconnaître la pertinence de toutes ces mesures inscrites dans le plan de riposte.

 

Quelles sont vos propositions pour sauver l’année ?

 

A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Pour sauver l’année scolaire 2019-2020, il va falloir des décisions sans doute courageuses qui impliquent tous les acteurs. Je pense qu’à ce sujet, il y a toujours des possibilités. De mon point de vue, dans ce contexte d’incertitude face à la maladie, si reprendre avec tous les élèves pose véritablement problème, nous pouvons explorer les pistes suivantes :

-              Autoriser uniquement les classes d’examen à reprendre. C’est important parce que les élèves qui sont dans ces classes ont un examen en fin d’année et actuellement Dieu seul sait combien ne touchent presque pas à leurs cahiers. Il faut leur donner l’occasion de renouer avec le travail de classe pour mieux préparer leurs examens. Une fois que cela est envisagé, quels que soient les effectifs, on peut les scinder en petits groupes de sorte à pouvoir respecter la distanciation sociale exigée. Avec les classes intermédiaires fermées, on peut exploiter tout simplement ces salles de classe désormais libres. Ainsi avec ces petits groupes, on peut maintenir les mêmes emplois de temps en mettant à contribution certains enseignants qui ne tenaient que les classes intermédiaires ou à défaut faire un système de rotation par groupe si on veut maintenir les mêmes enseignants. A ce niveau les cellules d’enseignement peuvent être mises à contribution. Tout ceci accompagné de dispositifs de lave-mains et de port de cache-nez (pour lequel j’émets beaucoup de réserve en situation de travail de classe) ;  je pense que ça peut réduire au maximum les risques et favoriser la préparation des candidats aux examens de fin d’année.

-              Au cas où la situation ne rassure toujours pas, alors le ministère peut décider de renvoyer les classes intermédiaires en vacances et leurs moyennes calculées sur la base des deux trimestres. Je vous ai déjà dit que l’essentiel des programmes avait été assuré et j’en connais qui avaient déjà tenu leur conseil de classe du deuxième trimestre. La plupart des établissements avaient planifié leurs conseils de classe pour la dernière semaine avant les congés. Etant donné que l’année scolaire n’est pas totalement achevée, si cette mesure venait à être envisagée, il va falloir trouver des arrangements. Le premier arrangement c’est de revoir la moyenne de rachat à la baisse en estimant que certains auraient pu sauver leur année scolaire à partir de leurs résultats du troisième trimestre. Le deuxième arrangement c’est au niveau des administrations scolaires et du corps enseignant. Il s’agit d’envisager la reprise des cours plus tôt, c’est-à-dire en septembre plutôt qu’en octobre. Pendant ce mois, les enseignants s’attelleront à dispenser aux élèves les prérequis nécessaires pour la classe fréquentée mais qu’ils ont dû rater dans la classe inférieure du fait des vacances anticipées

 

En attendant, quels conseils pouvez-vous donner aux parents et aux élèves dans ce contexte ?

 

Je demande aux parents de veiller à ce que les enfants restent en contact régulier avec leurs cahiers pour ne pas trop perdre leur enthousiasme pour l’apprentissage. Aussi, ils peuvent les  aider à avoir un emploi de temps hebdomadaire qu’ils peuvent suivre. Quant aux élèves, c’est de rester connectés aux cahiers tout en étant bien organisés parce qu’en cas de reprise les choses iront assez vite. Dans ces conditions, seuls les élèves qui ont su maintenir le contact avec les cahiers de façon régulière, pourront s’en sortir plus facilement.

Avec les initiatives développées par le ministère, notamment les cours en audio, à la télé, sur support papier, etc., j’encourage les parents et les élèves à en profiter au maximum, autant que possible.

 

Cette situation constitue un manque à gagner pour les établissements et pour les professeurs. Parlez-nous-en. Est-ce que vous menez des réflexions là-dessus ?

 

C’est vrai, parce que c’est arrivé à un moment où beaucoup d’établissements avaient toujours une part importante de leur scolarité à recouvrer. Du coup pour faire face aux différentes charges, ce n’est pas du tout simple. Mais chacun essaie de s’adapter comme il peut. Pour l’ensemble des professeurs il y a un manque à gagner et au niveau de ceux qui ne font que de la vacation, c’est encore pire. Dire qu’on mène une réflexion, c’est trop dire. La seule réflexion peut-être qu’on peut mener c’est de voir comment faire honorer la scolarité restante par les parents. Malheureusement, la conjoncture fait qu'on ne peut exercer trop de pression sur les parents. Pour les enseignants qui ne font que de la vacation, une solution peut être envisagée au niveau du ministère pour les appuyer un peu en réduisant certaines charges liées au plan de reprise.

 

Propos recueillis par

Abdou Karim Sawadogo

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