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Transport voyageurs interurbain : Reprise timide du trafic depuis hier

Dans le cadre de la lutte pour briser la chaîne de transmission du Covid-19, la mise en quarantaine des villes ayant enregistré au moins un cas de la maladie à coronavirus, qui avait contraint les activités de transport de passagers interurbain à marquer un arrêt, est désormais levée. A la publication des annonces y relative, les compagnies burkinabè ne se sont pas fait prier. Aux premières heures du mardi 5 mai 2020, leurs cars se sont ébranlés en direction des grands axes routiers du pays. Dans bon nombre de gares à Ouagadougou, le service est bien effectif mais pour le moment très timide. Constat dans quelques sociétés de voyage.

 

 

A l’ancienne gare routière de Ouagadougou, dans les environs de l’immeuble inachevé du regretté El hadj Oumarou Kanazoé, les cars de tous gabarits, marques et âges étaient bien en vue. Les jeunes démarcheurs ont repris service. A qui mieux mieux, ils négocient avec les clients qu’ils réussissent à regrouper à proximité des véhicules prêts à démarrer d’un moment à l’autre pour différentes destinations à travers le Burkina. Les marchands ambulants, eux, proposaient des produits divers en se faufilant dans la foule bigarrée.

Devant son véhicule, avec un brin d’enthousiasme, Eloi Vébamba accepte de répondre à nos questions après les présentations et les civilités d’usage. Il vient juste d’arriver de Pouytenga, dans l’Est du pays, avec une quinzaine de passagers. Ce chauffeur au physique imposant s’apprêtait à y retourner, avec des clients ou pas. Il avoue avoir rencontré tout au long du trajet conduisant à Ouagadougou des transporteurs dans les deux sens. Preuve que le trafic est effectif. Parlant des mesures édictées par les autorités sanitaires, il assure qu’elles sont scrupuleusement respectées avant l’embarquement de la clientèle, composée essentiellement de commerçants du secteur informel. Chacun est tenu de porter un cache-nez, de se laver les mains à l’eau et au savon. Un gel hydro-alccolique est donné à chacun et c’est après cette étape que le véhicule peut enfin prendre la route.

Monsieur Vébamba salue la mesure gouvernementale qui leur permet de reprendre leurs activités. Il déplore cependant l’absence de voyageurs. Les populations sont désargentées à son avis. Avec ceux qu’il a ramenés de Pouytenga, sa recette est loin de couvrir ses dépenses entre autres, de carburant, de mise à jour des papiers expirés de son véhicule. En cours de route, confie-t-il, il marque des arrêts pour embarquer des gens. Malgré tout, il roule à perte. Comme la mesure vient juste d’être levée, il est optimiste, confiant que les affaires iront mieux avec le temps. Pour peu que le Covid-19 disparaisse du Burkina et du monde.

A quelques encablures de l’ancienne gare routière TSR (Transport Sana Rasmané), qui a aménagé sur les emplacements autrefois occupés par la compagnie OA, les gens ne se bousculent pas. Le parking, géré par Hamidou Sana, contient quelques engins. Pour ce dernier, ce n’est pas le grand monde d’avant la fermeture de la gare, mais il espère que tout ira en s’améliorant.

Selon Yacouba Sawadogo, l’adjoint du chef de gare qui nous a reçus, de 13 voyages en aller-retour par jour sur l’axe Ouaga-Kaya auparavant, ils n’étaient qu’à à peine la moitié peu avant 12h ce mardi béni. Il ne pense pas aller au-delà, vu que la clientèle se fait rare, une vingtaine par navette au premier jour de la reprise. D’ailleurs il n’est pas permis d’embarquer plus de 50 passagers, a-t-il confié.

 

Respect des mesures sanitaires tant bien que mal

 

La levée de la mesure de quarantaine a permis au chauffeur Lassané Yabré de rallier enfin Ouagadougou. Pour ce dernier, avant qu’il ne reprenne la route on leur a conseillé d’exiger des passagers le port du casque et le respect de la distanciation dans les cars. « On ne doit pas coincer les usagers. Le gel hydroalcoolique doit être disponible dans les véhicules également. Nous venons de Sapouy où la Gendarmerie nous a sensibilisé et interpellé dans ce sens. Cinq personnes ont donc été obligées de se procurer des cache-nez au niveau du poste des pandores avant que l’on ne puisse continuer ».

Parmi les nombreux passagers qui ont pu rejoindre Ouagadougou grâce au mini bus de monsieur Yabré, nous avons rencontré 14 membres d’une famille, composée de femmes et d’enfants qui ont fui la menace terroriste à Arbinda. Dans leur périple, Saoudatou Maïga, sa belle-mère et ses enfants ont été stoppés à Sapouy où ils ont passé trois mois. L’heure est maintenant venue pour ces déplacés internes de poursuivre le voyage de la survie en direction de Bobo-Dioulasso. «Les terroristes ont tué les membres de nos familles, tué nos maris, brûlé nos vivres. Où nous nous rendons, nous n’avons pas où dormir, et on va loger en belle-famille en attendant », a-t-elle confié l’air fatiguée.

Dans cette gare de fortune située en face de l’Eglise centrale des Assemblées de Dieu, aucune mesure de distanciation n’est respectée, mais quelques passagers qui attendent au bord de la voie portent leur masque. Le maître de céans, Seydou Ouédraogo, nous confie qu’il espère que dans les prochains jours les clients vont se bousculer mais que pour l’instant la reprise est assez timide. « Avant toute embarcation, nous exigeons que les voyageurs se lavent les mains, qu’ils se procurent des cache-nez. Pour réduire les contacts, nous sommes passés de 35 places à 25, voire 20. Nous ne sommes qu’à 6 tickets depuis ce matin. Nos destinations sont Bobo-Dioulasso,  Kampti, Gaoua, la Côte d’Ivoire, le Mali. Mais aucun car n’a été affrété pour quitter le territoire », a lâché le responsable de la gare STS.

En attendant de trouver un bon car pour Sya, Fousséni Traoré, l’un des clients de STS, patiente. « Il y a l’affluence avec de nombreux voyageurs qui patientent à l’étroit.  J’ai été affecté et je dois rejoindre mon poste à Bobo-Dioulasso. Depuis l’application des mesures de restriction en vue d’empêcher la propagation du Covid-19, on est resté immobilisé », a-t-il fait remarquer, ajoutant qu’il  attend le départ suivant de 13h.

Toujours selon cet enseignant, les mesures barrières ne peuvent pas être respectées ici étant donné que le milieu n’est pas favorable. « La gare n’est pas clôturée, et les gens viennent de partout. Aucun contrôle n’est possible. On espère qu’à l’intérieur des véhicules au moins les passagers seront assis à bonne distance. Je n’ai pas vu de lave-mains. Chacun se protège donc comme il peut », a-t-il conclu.

 

Décisions salutaires

 

A la gare TSR, tout le monde est soumis au lavage des mains au savon. Pas d’accès au car sans cache-nez selon monsieur Sawadogo. L’écran plasma fixé au mur à l’intention des clients en attente de voyager diffuse d’ailleurs des clips de sensibilisation d’artistes burkinabè sur le coronavirus. Une façon de les aider à tromper utilement l’ennui.

Venu avec un autre transporteur de Fada où il réside, Issoufou Komi attendait d’embarquer à bord d’un des cars TSR pour rejoindre son poste d’enseignant du secondaire. En déplacement dans la capitale pour un document administratif à récupérer à son ministère de tutelle, il trouve la levée de la quarantaine et la reprise du transport interurbain salutaires. Son souhaite est que les gestes barrières soit observés par tout le monde afin que la maladie ne progresse pas.

Autre lieu, autres réalités. Située dans l’environnement immédiat de l’échangeur de l’Ouest à Gounghin, Saramaya Transport, en cette fin de matinée, n’affiche pas complet : seulement deux départs (12h et 14h) en direction de la capitale économique du Burkina sont programmés, nous apprend Ahmed Maïga, le chef de gare. Rien à voir avec les 12 à 13 sorties par jour d’avant la quarantaine. La situation n’a pas été facile à gérer avec la décision de suspendre les déplacements interurbains de voyageurs. Mais, a-t-il soutenu, avec le service de fret que continuait d’assurer la compagnie, le personnel a un tant soit pu garder la tête hors de l’eau.

Côté application des mesures barrières, pas d’inquiétudes de l’avis du chef Maïga. Sur un tableau est écrit pour les voyageurs qui savent lire un message les invitant au respect des consignes sanitaires données par le gouvernement. Un lave-mains est visible à l’entrée de la gare. Pour prendre son ticket, un marquage au sol permet aux uns et aux autres d’observer la distanciation sociale. Même chose pour la disposition des chaises pour ceux qui sont obligés d’attendre l’heure du départ. La compagnie Saramaya, selon Ahmed Maïga, ne dispose pas de cars de plus de 50 places. Du coup, le nombre de passagers à transporter ne constitue pas un souci.

Depuis trois jours, Ali Nabalma, commerçant, a parcouru plusieurs gares afin de rentrer à Sya. Il est bloqué dans la capitale après avoir inhumé un proche : « On nous a promis qu’il y aurait deux départs à 12h et 14h à cette gare de Saramaya. C’est difficile et stressant, car nous avons fait le tour de nombreuses gares comme TSR à Tampouy, CETROF, Rakièta… à la recherche d’un seul ticket », a-t-il confessé, poursuivant qu’il  respecte et invite les Burkinabè aux suivis des mesures barrières. « Nous allons souhaiter le meilleur à notre pays en faisant confiance à nos autorités sanitaires. C’est aussi important de rappeler que la maladie existe étant donné que certains n’y croient toujours pas. Nous espérons que les effectifs dans notre car vont être réduits. Nous faisons confiance aux responsables de la gare Saramaya qui mesurent tous les risques ».

Un des responsables de la gare SOTRADYF, qui a requis l’anonymat, explique que la reprise a été difficile. Les chauffeurs qui vont de la capitale à Garango et à Tenkodogo étaient retournés dans leur localité d’origine. « C’est à 10h qu’ils sont arrivés. Deux départs ont alors été programmés pour l’après-midi. Nous respectons les mesures barrières. En ce qui concerne la limitation des passagers, de 60 personnes on est passé à 34 et de 60 à 50 pour les plus gros cars. C’est également obligatoire pour chaque voyageur de se munir d’un cache-nez et de se laver les mains avant d’avoir accès à tout véhicule », a-t-il expliqué.

 

D. Evariste Ouédraogo

W. Harold Alex Kaboré

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