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Reprises des activités de transport : L’ambiance sur l’axe Ouaga – Koudougou

 

Depuis le 5 mai 2020, ça bouge de nouveau dans le secteur du transport en commun mis sur cales un mois durant, pour cause de Covid-19. Une reprise rendue possible grâce à un accord signé cinq jours plus tôt entre le gouvernement et les organisations de transporteurs. Désinfection des bus, port du masque obligatoire par tout passager… Bref, pas moins de quinze conditions à remplir pour le redémarrage du moteur. Comment cette activité reprend-elle vie avec ce nouveau code de conduite ? De Ouaga à Koudougou et vice-versa, l’auteur de ces lignes a cherché des éléments de réponse à cette question en empruntant deux compagnies en tant que passager ordinaire.

 

Retour sur un périple d’observation entre Ouagadougou et Koudougou.

 

 

 

 

Ouagadougou, 5 mai. Comme pour d’autres compagnies de transport, cette journée est toute singulière pour la société de transport Aorèma et frères (STAF) : les cars sont autorisés à reprendre les lignes, après un mois et demi passés sur cales. Peu avant onze heures, nous voilà à la gare dite de l’Ouest de la Société, une infrastructure perdue dans le quartier Gounghin. Tout autour, la vie reprend son cours normal. Les commerçants ambulants, comme s’ils avaient répondu à un quelconque appel,  ont « enfin » retrouvé leur train-train, est-on tenté de dire au vu de leurs visages décontractés. Les taximen et les conducteurs de tricycles ne sont pas non plus en reste. Le parking, certes,  n’est pas plein à craquer, mais il y a de quoi occuper le gérant qui n’a que quelques minutes pour souffler après avoir aidé à garer ou sortir une moto.

 

 En ce jour choisi pour remettre le moteur du transport interurbain en marche, c’est peu à peu que tout reprend son cours ordinaire. Pour preuve, on ne se bouscule pas sous le hall réservé au retrait des tickets avant de se faire enregistrer. En clair, il n’y a pas de longues files de voyageurs aujourd’hui. Devant certains guichets, lesquels donnent sur l’une des ruelles bordant l’infrastructure, il n’y a personne.  

 

Plus qu’une demi-heure et il sera onze heures. Il est temps pour nous d’embarquer. De cette gare partent, par jour, plusieurs cars pour des villes de l’ouest du Burkina. Koudougou est notre destination. Nous y allons en passager ordinaire. Ticket en main, non sans avoir déboursé 2000 francs CFA en échange, nous n’avons plus qu’à attendre l’heure du départ. Pour accéder à l’aire d’embarquement, un seul accès : l’entrée principale. Visiblement, aucune condition n’est imposée à qui souhaite passer. Pas même une fois dans le terminal, où une demie-dizaine de bus sont en position de départ. Un lave-mains dressé devant le service courrier n’intéresse que quelques rares personnes.

 

 

 

Embarquement quasi normal

 

 

 

Sous un hangar qui tient lieu de hall d’attente, des passagers ont pris place, prêts à embarquer. Leur nombre n’est pas de nature à mettre à mal la distanciation sociale, autre geste barrière recommandé. Un bon nombre de passagers a enfilé un cache-nez. Autour du véhicule qui nous embarquera incessamment, des agents de la compagnie se font remarquer par d’interminables va-et-vient. Si certains d’entre eux ont le nez recouvert d’un masque, ce n’est pas le cas pour bien d’autres.

 

 « Koudougou ! On embarque », lance soudain un agent qui venait de se planter, paperasse en main, au pied d’une des portières du véhicule. Ils ont dû se raviser, ceux qui s’attendaient à un appel nominal en remarquant dans les mains de l’homme une liste ayant à peine occupé le tiers de son support, un papier de format A4. Les bagages des uns et des autres rangés, nous embarquons finalement, surpris de n’avoir assisté à aucune forme de contrôle anti-Covid-19 jusque-là. Pourtant, une autre obligation consiste à « servir du gel hydro-alcoolique à l’entrée de chaque bus », si l’on s’en tient à l’accord trouvé entre les transporteurs et leurs autorités de tutelle. En bon ‘’passager ordinaire’’, nous nous gardons d’assaillir nos convoyeurs d’interrogations qui pourraient déranger.

 

Dans l’autobus qui vient de démarrer, nous sommes à peine une quinzaine de personnes. Treize précisément, dont le conducteur et trois agents de bord que nous n’avons pas tardé à distinguer du lot. Entre-temps, l’un d’entre eux procède à la vérification du ticket de chaque passager. Vu de l’arrière, où nous avons pris place, l’intérieur du car, de soixante-quatre places, offre une vue panoramique des places vides, plus que d’ordinaire. Le car apparaît alors trop géant pour ses occupants, distancés les uns des autres à souhait. On se croirait dans une vaste salle de cérémonie avec peu d’invités.

 

Au moins deux heures de route sont nécessaires pour rallier la cité du Cavalier rouge, séparée de la capitale par une centaine de kilomètres. Le trajet est particulièrement calme. L’autocar, tel un oiseau volant à basse altitude, fend le courant d’air, lequel passe par les vitres préalablement baissées à moitié. Seuls nos convoyeurs devisent par moments. Un peu plus de trente minutes après le départ, nous sortons peu à peu de la ville et de ses embouteillages. Arrêt obligé au péage où les longues files de voyageurs ont aussi fait leur retour, idem pour les femmes et les badauds aux mains chargées d’articles vendus à la criée. Comme pour rattraper cinq minutes de temps ici perdues, notre chauffeur ne manquera pas de donner un petit coup d’accélérateur.

 

 

 

Le masque, plutôt étouffant

 

 

 

Pas plus de deux kilomètres après le péage, un poste de police. « Arrêt, contrôle. Tout le monde descend, pièces d’identité en main », informe un des agents de bord, notre voisin d’en face. Exécution. Des passagers trouvés sur place se pliaient déjà à la formalité qui consiste aussi bien à montrer patte blanche aux flics qu’à se faire contrôler la température au thermomètre-laser. Au passage devant les poulets, une règle semble bien connue de tous, en dehors des bons documents d’identité à détenir, il faut avoir son masque bien enfilé. Nous réalisons alors que certains de nos compagnons de route qui se plaisaient à ne pas porter le cache-nez dans le bus en disposaient tout de même. Quid du contrôle au laser ? Il est effectué par deux personnes, remarquables au gilet marron qu’ils portent : un homme dans la quarantaine tient l’appareil, et une dame relève sur papier les températures que son binôme lui communique.  

 

Que serait-il advenu à l’un des nôtres si ce dernier avait eu une température anormale ? Cette question qui nous taraudait l’esprit, nous l’avons posée à notre voisin et agent de bord, d’autant que l’escale a interrompu une partie d’échanges courtois que nous avions engagée avec lui. « Je n’en sais pas grand-chose, mais il y aurait eu inéluctablement une alternative qui ne décourage pas le client », répondra notre interlocuteur d’une voix rassurante. Sur le port non systématique du masque à l’embarquement ou le long du trajet, le routier, la quarantaine bien sonnée, nous fait savoir que des passagers se plaignent de ce que la chose censée protéger contre le virus à couronne est plutôt étouffante.

 

A mesure que le convoi s’éloigne de Ouagadougou, la route se dégage, la circulation est plus fluide. Il n’est pas rare de croiser à tout hasard des véhicules d’autres compagnies, des plus connues aux moins connues, des moins huppées aux plus huppées. Mais en ce jour de reprise de la desserte, ces moyens de transport interurbains ont en commun une particularité : celle d’attirer l’attention de bon nombre de riverains de la route qui renouent avec l’habitude d’assister à un défilé incessant de voyageurs.

 

Treize heures de l’après-midi sont passées d’une pincée de minutes quand nous foulons le sol de la grande gare de Koudougou. L’infrastructure, scindée en plusieurs compartiments, abrite les installations de différentes compagnies. Nous débarquons naturellement dans celles de la STAF. Comme au départ, le lieu ne grouille pas d’un monde des jours ordinaires d’avant la mise en quarantaine de certaines villes. Seulement quelques usagers, qui venus se faire enregistrer pour le prochain départ, qui présents pour récupérer un colis. A la devanture, sous un arbre à l’ombre consistante, les conducteurs de tricycles guettent le passager qui solliciterait la moindre aide pour déplacer des bagages.

 

Ici, les gestes barrières semblent pris au sérieux contrairement au constat fait à la gare de départ à Ouagadougou : en effet, à l’entrée, tout visiteur ou passager est soumis au lavage des mains, et ne passe pas qui n’a pas enfilé son cache-nez. Des règles visiblement non négociables avec le vigile qui, d’un geste courtois, indique le lave-mains ou barre d’une main l’accès quand s’approche quelqu’un qui ne porte pas de cache-nez.

 

 

 

Retour à Ouaga, de l’exception au contrôle

 

 

 

Le compartiment jouxtant le mur ouest de la gare STAF est occupé par le Transport Sana Rasmané (TSR), un autre mastodonte qui dessert plusieurs villes du pays. C’est d’ailleurs de là que nous reprenons le chemin de Ouagadougou, via le prochain car dont le départ est fixé à quinze heures. Mais en attendant nous pouvons faire le tour de quelques services de la gare. Comme dans la compagnie voisine, le respect des mesures barrières élémentaires est de rigueur : lavage systématique des mains à l’entrée, port obligatoire du masque… Quid de l’affluence des passagers ? Elle est, là aussi, encore timide. Le seul car stationné est celui qui bougera dans quelques minutes pour la capitale.

 

Avant d’embarquer, une scène à laquelle nous n’avions pas assisté jusque-là : le lavage des mains au gel hydro-alcoolique, comme convenu dans l’accord bipartite. En procession, les passagers défilent devant un agent de la gare qui fait couler dans leurs mains quelques gouttelettes du précieux liquide. Il y en a pour tous, jusqu’au dernier passager. A bord, nous sommes douze. Encore deux heures de route sans grande particularité. Sauf à l’entrée de la capitale où l’on remarque que tous les cars ne sont pas soumis aux mêmes formalités : alors que nous débarquions pour la vérification des identités et le contrôle de la température, un bus d’une autre compagnie passe à vive allure, sans attirer l’attention des flics. Cette compagnie a-t-elle un laissez-passer exceptionnel ? Est-elle soumise à d’autres formes de contrôle se substituant à celles qu’impose l’escale à l’entrée de Ouagadougou ? Autant de questions parmi tant d’autres qui se bousculaient dans notre esprit.

 

L’astre du jour s’apprête à se coucher. Nous retrouvons Ouagadougou avec comme point de chute, la gare TSR-Gounghin. A destination, nous trouvons un terminal grouillant particulièrement de monde et plein d’engins, rien à voir avec le constat fait lors du départ de Koudougou. A l’entrée, le dispositif de lavage des mains est renforcé d’un thermomètre-laser immobilisé, un passage obligé pour toute personne accédant à l’intérieur, hormis les passagers fraîchement débarqués. A la salle d’attente, la distanciation d’au moins un mètre est respectée quasiment à la lettre. Mais cette distanciation s’avère tout de même difficile au débarquement, car des passagers s’agglutinent autour du bus, préoccupés à récupérer leurs baluchons.

 

 

 

Bernard Kaboré

 

 

 

Encadré 1 :

 

 

 

«Un passager a déchiré son ticket au lieu de porter son masque»

 

 

 

Pour ce dernier virage du périple, nous avons abandonné notre costume de voyageur ordinaire pour celui du journaliste, question de trouver des réponses à nos interrogations. Responsable du contrôle à la gare TSR, Kamal Konaté trouve plusieurs explications à la reprise timide : « Certains ne sont pas au courant de la relance de nos activités. Mais il y a aussi des gens qui préfèrent repartir que de se soumettre aux conditions d’embarquement, qu’ils jugent assez lourdes ». Concernant l’exception faite à certaines compagnies face au contrôle sur les routes, le contrôleur en chef croit savoir que « chaque eau a son caïman », et suppose que « ces structures de transport ont sans doute des moyens à eux de protéger les passagers ». Après une journée de travail, monsieur Konaté a déjà une anecdote à raconter : « Un passager a refusé de porter le masque et ne s’est pas privé de déchirer sous nos yeux son ticket avant de quitter la gare».  

 

 

 

B.K.

 

 

 

Encadré 2 :

 

 

 

Rappel de quelques points de l’accord ayant permis la reprise des activités

 

 

 

-                Limitation du nombre de places à 55 pour les bus de plus de 65 places ;

 

-                Obligation pour tous les passagers des bus de porter des masques ;

 

-                Obligation de servir du gel hydro-alcoolique à l’entrée de chaque bus ;

 

-                Obligation de lavage des mains au savon dans les terminaux ;

 

-                Obligation de désinfecter les bus, une fois par jour, avant chaque départ ;

 

-                Organisation de la fluidité des débarquements et embarquements afin d’éviter les regroupements de plus de 50 personnes dans les halls d’embarquement.

 

 

 

B.K.

 

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