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Candidature Bédié : Vieillesse ne rime pas forcément avec sagesse

 

On le voyait venir  et même avec un pied  cassé, le vieil Eléphant de la faune politique ivoirienne a fini par arriver : samedi 20 juin 2020, Henri Konan Bédié a en effet annoncé qu’il serait candidat à l’investiture du Parti démocratique de Côte d’Ivoire/Rassemblement démocratique africain (PDCI/RDA)  pour la présidentielle du 31 octobre prochain.

 

 

 

C’est la fin d’un secret de Polichinelle tant depuis longtemps l’ancien président était sensible aux appels «insistants» des militants qui lui conjuraient d’entrer dans la  bataille.  Des demandes pressantes renouvelées ce week-end sur les bords de la lagune Ebrié.  Sans surprise,  sauf tremblement de terre, il devrait donc  être investi les 25 et 26 juillet au cours de la «convention éclatée» pour cause, dit-on, de coronavirus. A moins que ce ne soit pour mieux verrouiller le processus. Car si le Sphinx de Daoukro s’est résolu à se lancer, c’est qu’il doit  avoir bien balisé le terrain pour qu’il n’y ait pas le moindre obstacle sur la route qui mène à son adoubement. Concernant  la forme, d’autres éventuelles  prétentions sont encore  recevables, mais  Jean-Louis Billon s’étant écarté pour faire place au papy, on se demande si d’ici là un rebelle sortira des rangs pour contrarier les plans d’HKB.

 

 

Mais est-ce bien raisonnable ? Sans hésitation, on peut y  répondre par la négative. Pour deux raisons principales : d’abord, son âge. Certes à 86 ans, ce que laisse transparaître la «carrosserie» laisse penser qu’il est encore relativement frais physiquement pour un octogénaire comme lui, et sur le plan intellectuel, l’esprit  est encore alerte, mais sauf à considérer que la Côte d’Ivoire est une gérontocratie, Bédié devrait cultiver  depuis belle lurette l’art d’être grand-père plutôt que d’avoir des ambitions présidentielles ; ensuite, il risque gros en voulant faire ce qui pourrait être le match de trop. Le PDCI/RDA n’est plus ce qu’il  était  il y a dix ans. Les saignées successives dans les rangs dues non seulement aux débauchages du président Alassane Dramane Ouattara mais aussi à la gestion du parti par son président ont considérablement fragilisé la formation politique historique de Félix Houphouët-Boigny. Tant et si bien que ce pourrait être la bérézina électorale pour lui. Ce serait alors une sortie par la petite porte en lieu et place de la revanche qu’il nourrit depuis 1993.

 

 

Car c’est bien de cela qu’il s’agit :  l’indigne héritier du «Vieux» n’a jamais digéré, on ne le sait que trop, le fait d’avoir été chassé comme un vulgaire malpropre par le général Robert Gueï à la Noël  99, et caresse depuis le secret espoir de prendre sa revanche, quel qu’en soit le prix. Il oublie que si la Côte d’Ivoire en est là aujourd’hui, à la recherche d’une introuvable réconciliation après trois décennies de turbulences, c’est en grande partie à cause de lui.

 

 

Qui ne se souvient de la querelle sordide des «ou» et des «et» pour mettre ADO hors-jeu, le même ADO avec qui il pactisera plus tard pour chasser Laurent Gbagbo à coups de roquettes ? Le voilà maintenant qui tente de se rapprocher de l’ancien prisonnier de la CPI parce qu’il est en délicatesse avec  son allié d’hier pour n’avoir pas voulu intégrer le rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix. On a beau être en politique, cette attitude de girouette qui manque totalement  de  logique et de lisibilité finit par donner le tournis et pourrait faire replonger le pays.

 

 

 

Le locataire actuel de la résidence présidentielle de Cocody ayant menacé il y a quelques mois de briguer un troisième mandat  si ses «promotionnaires» Bédié et Gbagbo entraient de nouveau dans la danse, on ne serait pas étonné qu’il revienne sur sa décision de laisser la place à son dauphin choisi, Amadou Gon Coulibaly ; cela, d’autant plus facilement  que ce dernier n’est toujours pas rentré de son séjour médical en France où il était parti début mai en pleine crise du coronavirus pour soigner son cœur défaillant. Et de plus en plus, beaucoup se demandent s’il pourra véritablement porter les couleurs du RHDP.

 

 

Vraiment, vieillesse ne rime pas forcément avec sagesse. L’homme court, qui n’a pas  toujours, hélas, de hautes idées, a du reste été mal inspiré quand il a pris samedi des accents pétainistes en disant vouloir «faire don» de sa personne. En juin 40, c’est ce qu’en effet le vieux maréchal de 84 ans avait lancé aux Français après l’invasion allemande pour, disait Pétain, «atténuer son malheur». On sait ce qu’il en est advenu.  

 

La Rédaction

 

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