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Coup d’Etat au Mali : «L’armée a surpris tout le monde» (Boubacar Wagué, DP de La Pioche)

Au lendemain du coup de force des militaires qui ont contraint le président IBK à la démission, nous avons contacté le journaliste malien Boubacar Diam Wagué, directeur de publication de l’hebdomadaire La Pioche. Pour lui, ce putsch n’était pas véritablement prévisible d’autant plus que l’armée, jusque-là, était restée neutre dans le bras de fer qui opposait le gouvernement au Mouvement du 5-Juin (M5RFP).

 

 

 

 Quelle est aujourd’hui (hier 19 août 2020) l’ambiance  à Bamako et dans les autres villes du Mali après la prise du pouvoir par les militaires?

 

Aujourd’hui les Maliens se sont réveillés évidemment avec l’annonce de la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta, de son gouvernement et de l’Assemblée nationale ; une annonce qui est intervenue vers minuit sur  la télévision nationale du pays, ORTM1. Il y avait moins d’ambiance à Bamako, à Kati ainsi que dans les autres villes du pays contrairement aux autres jours ouvrables. Nous avons constaté que tous les services étatiques et privés étaient fermés. Quelques boutiques et magasins étaient néanmoins ouverts dans le grand marché de la capitale.  C’est surtout l’incertitude qui prédomine. Mon téléphone par exemple n’a pas arrêté de sonner parce que les populations de l’intérieur voulaient avoir les dernières nouvelles de la capitale. Ce matin, une centaine de manifestants étaient au boulevard de l’Indépendance pour saluer le départ du président IBK et s’opposer à l’arrivée de la mission de la CEDEAO qui a été annoncée.  

 

On peut donc dire que c’est un coup d’Etat populaire…

 

Le peuple dans son ensemble approuve le putsch parce que c'était sa volonté. Le but des différentes manifestations était la démission du président IBK et de son régime par tous les moyens. Si ce vœu a été exaucé par les militaires, ce n'est que salutaire. Certes, nous constatons que les partis politiques ont condamné la prise du pouvoir par la force. Ce qui est tout à fait normal pour le respect de la démocratie, mais 80% de nos partis politiques étaient pour le départ du président IBK.

 

Avez-vous quand même été surpris  que cela se termine par un putsch?

 

J’ai surtout été surpris par la rapidité et  la réussite du coup d’Etat. La situation sociopolitique du pays était marquée par les manifestations qui se multipliaient, l’affaiblissement du camp de la majorité présidentielle et les tensions qui montaient entre les syndicats et le gouvernement. Il y a aussi l’échec des négociations qui nous laissait croire que tout était possible, mais on n’a pas vraiment pensé  à ce scénario. En réalité, l’armée a surpris tout le monde : la population, le président et son gouvernement. Personne n’a vu venir ce coup. Je me rappelle que, lors de leur dernier rassemblement, les membres du Mouvement du 5-Juin (M5RFP) demandaient l’adhésion des militaires, mais ces derniers, du début des manifestations jusqu’en début de semaine, étaient restés neutres. 

 

Est-ce qu’on a les nouvelles du président IBK ainsi que des autorités arrêtées ?

 

Ce qu’on sait, c’est qu’ils se trouvent toujours au camp Soundjata de Kati (une ville garnison située à 15 km de la capitale). C’est dans ce camp que siègent les militaires putschistes.

 

Maintenant que le pronunciamento est consommé, y a-t-il des scénarios de sortie de crise possible ?

 

Difficile de se prononcer pour le moment sur une solution de sortie de crise. Selon le porte-parole du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) qui a été mis en place, le colonel major Ismaël Wagué, les négociations sont ouvertes avec toutes les forces vives de la nation afin de définir une feuille de route de la transition politique et civile.

 

 Cette nouvelle crise ne va-t-elle pas replonger le Mali dans le scénario catastrophique de 2012 où le putsch avait profité aux terroristes ?

 

Oui, certainement que cette situation va aggraver celle de la sécurité, mais ce ne sera pas comme en 2012. La particularité est que tous les militaires sont soudés et unis pour ce coup d’Etat. Pour le moment, tous les commandants sont restés à leurs postes et sont sereins.  Et la majeure partie des militaires putschistes sont des officiers supérieurs de l’armée et de la sécurité qui ont occupé des postes stratégiques dans la sécurisation du pays, donc ils sont conscients du péril et savent que l’ordre sécuritaire doit être rétabli. On cite généralement les noms du colonel Malick Diaw, qui a occupé le commandement à Gao les années passées, et du colonel Sadio Camara, qui a dirigé le prytanée militaire de Kati.

Interview réalisée par Aboubacar Dermé

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