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Jacques Resch et le Salvator Mundi: L’alerte de Jacques Resh

Les artistes flairent parfois ce qui vient sans que les spectateurs en perçoivent la portée. Ainsi en est-il de Jacques Resh quand il peint un Salvator Mundi qui jongle avec des liasses de dollars. Après la polémique sur l’authenticité de ce tableau attribué à Leonard de Vinci et acheté à 450 millions de dollars par le Prince héritier  d’Arabie Saoudite, cette oeuvre de Resh prend une dimension prophétique.

 

 

Jacques Resh est un peintre français qui vit à Bobo-Dioulasso depuis plusieurs décennies dont  une large part du travail consiste en une réappropriation  ou citation des œuvres de  la Renaissance, particulièrement celles de Jerôme Bosch pour questionner l’époque contemporaine. De son travail d’inspiration vincienne, il y a une Joconde au visage craquelé, une réflexion sur la beauté à l’usure du temps et un second tableau inspiré de Salvator Mundi.

Dans cette toile qui s’inspire du Christ Salvator Mundi, le peintre français, tout en conservant le portrait d’origine, change beaucoup de choses. En effet, dans l’original, le Christ est vu en contre-plongée, mais dans l’œuvre de Resh, il est à hauteur d’homme comme s’il avait chuté du ciel au sol. Ensuite, le cadre se resserre autour du visage et de ses bras, mettant hors-champ les épaules et le tronc. Dans les mains, dans les manches et dans la boule de cristal, il tombe des liasses de dollars. Que dire ? Nous avions longtemps vu en cette reprise du Christ sauveur une critique du marché de l’art au regard du prix de l’œuvre, mais avec la polémique sur l’auteur de cette œuvre, tout s’éclaire. Resh critique cette société capitaliste qui, plus que le Christ qui transforme l’eau en vin (on reste dans l’univers liquide), est capable de faire d’une œuvre qui ne vaut pas un clou un Cullinan, le plus gros diamant du monde.

Revenons au tableau original et à son incroyable odyssée. En 2005, Robert Simon, un galeriste new-yorkais, découvre dans un catalogue une peinture sur bois de 45 cm sur 66 intitulée Christ Salvator Mundi, d’après Leonard de Vinci. Lui et son ami Alexander Parish la rachètent pour des broutilles, 1175 dollars. En 2017, le même tableau est vendu à 450 millions de dollars, devenant le plus cher au monde. On apprend que le Christ sauveur a été enlevé par Mohamed Ben Salam, le prince héritier des Saoud. Tous les médias parlent d’un tableau ignoré de Leonard de Vinci. Posséder le Christ, c’est montrer que le nouveau visage de l’Arabie Saoudite est tolérant, ouvert à l’Occident.

Et chemin faisant, on apprend que le tableau que l’on a fait passer pour celui de Vinci pourrait être de son élève, Giovanni Baltraffio. Un film d’Antoine Vikrine suscite la polémique. On apprend par ailleurs que sur les cinq experts du célèbre  peintre toscan, seuls deux pensent que ce tableau est de lui, une du groupe est convaincue que cette œuvre est de Boltraffio, les deux gardes préfèrent taire leurs avis. Ils ont compris que le marché de l’art n’aime pas les vérités contrariantes. Et entre en scène le critique Martin Kemp, qui défend urbi et orbi le Christ sauveur comme une œuvre du maître plus aboutie que la Joconde. La technique du sfumato est améliorée, les boucles ont la forme de la double hélice, une forme qui attirait le maître et le flou du visage est voulu par le maître pour suggérer cette émergence de l’obscurité vers la lumière et tutti quanti. Tout cela conduira  à faire d’un tableau dont le doute sur le véritable auteur n’a pas été levé et qui fait du prince Salman le plus gros pigeon de l’histoire de l’art ainsi que peut-être de certains pays occidentaux, des complices de cette arnaque.

Le tableau de Jacque Resh, en faisant du Sauveur du monde  un homme à hauteur de notre regard, démystifie cette œuvre ; en réduisant le Fils de Dieu à un simple mortel sous une pluie de billets verts, il en fait un marchand du Temple. Son tableau ne parle plus du Christ mais des marchands d’art, ceux que le Christ aurait aimé bâtonner. Il faut croire que son œuvre nous annonçait que la découverte de Salvator Mundi ne sauve pas le monde de l’art mais révèle plutôt sa hideuse vénalité. Et le Prince MBS aurait dû savoir que l’art ne rachète personne, surtout pas une conscience.

 Alcény Saïdou Barry

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