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7e Forum de Dakar sur la paix et la sécurité: Mise en bouche en attendant le 6 décembre

Inscrit désormais en bonne place dans l’agenda de nombreux chefs d’Etat africains, d’experts, d’ONG, d’organisations internationales  et de Think tanks,  le forum international de Dakar se tiendra les 6 et 7 décembre 2021. En prélude à l'événement, le comité d’organisation, avec à sa tête la cheffe de la diplomatie sénégalaise, Aïssata Tall Sall,  a convié le 5 novembre 2021 des journalistes et éditorialistes africains autour d'un déjeuner de presse à l’hôtel Terrou-Bi de Dakar.

 

 

Cocotiers, plage de sable fin et vue imprenable sur l’Atlantique. Construit sur le bord de mer, le Terrou-Bi est l'un des hôtels les plus huppés de la capitale sénégalaise. Sur l'ancien embarcadère pour pêcheurs a poussé une marina avec cascade artificielle et jardins luxuriants. Un écrin qui accueille de nombreux touristes et visiteurs attirés par le cadre paradisiaque qu’offre le lieu pour fermer les yeux ou tenir les multiples séminaires et réunions qu’abrite la ville. Autant de symboles d'un Sénégal qui fait office d'îlot de stabilité au milieu d'un océan sous-régional tourmenté par la tempête terroriste. Pourtant à Dakar, on ne s'est jamais bercé d'illusions. La menace est bien là et risque de freiner le formidable élan économique sénégalais ainsi que celui de plusieurs autres  Etats du continent.

Dès 2013, alors que des pays comme le Burkina semblaient oubliés par les forces du Mal, l’idée d’un forum pour discuter des questions de paix et de sécurité est émise lors du sommet de l’Elysée. La première édition se tient en décembre 2014 sous la présidence de Macky Sall et en présence de nombreux chefs d’Etat  et de gouvernement. Prennent part également à ce rendez-vous devenu annuel, où on réfléchit sur les principaux enjeux de l’heure du continent africain, des dirigeants d’institutions internationales, d’organisations non gouvernementales, des experts et des acteurs de la société civile.

Le conclave s’est tenue  sans discontinuer jusqu’en 2020 où  il a été victime, comme tant d’autres événements, de la pandémie de Covid-19. 2021 marque le retour de ce rendez-vous inscrit désormais en bonne place dans l’agenda continental, voire international. Mais est-ce une rencontre de plus où on ne fait que discuter sans que cela change réellement les choses sur le terrain? La question a été posée à la ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Aïssata Tall Sall. «Tant que les problèmes sont là et  que les questions se posent, on va continuer à réfléchir», a réagi l’avocate de formation, pour qui poser le débat est déjà un début de solution.

 

La Covid-19 au cœur des débats

 

Pour l’acte 7 du forum, prévu les 6 et 7 décembre 2021 au Centre international de conférence Abdou-Diouf (CICAD) de Diamniadio, une cité intelligente construite à 30 km du centre-ville de Dakar,  fleuron du Plan Sénégal émergent, environ "...400 participants venant du monde entier y sont attendus dont le président nigérien, Mohamed Bazoum et ses homologues sud-africain, Cyril Ramaphosa, tchadien, Mahamat Idriss Déby et bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embaló. Actualité oblige, il ne sera pas seulement question de terrorisme et d’extrémisme violent comme à l’accoutumée. La menace sanitaire avec la pandémie de Covid-19 sera le principal sujet d’échanges. Elle  a inspiré d’ailleurs le thème général du forum: «Les enjeux de stabilité et d'émergence en Afrique dans un monde post Covid-19».

En attendant le jour j, le comité d’organisation a offert une mise en bouche, au propre comme au figuré, à des journalistes et éditorialistes de plusieurs pays africains, puisque c'est autour d'un déjeuner au Terrou-Bi  Resort que s'est tenu un panel qui visait à la fois à conforter le caractère international du forum et à paver la voie qui mène vers le 6 décembre prochain. Entre les cliquetis des couverts et des assiettes et au milieu des incessants va-et-vient des serveurs à l’uniforme parfait, l’ancien chef d’état-major général des armées du Sénégal et ancien ambassadeur, le général de corps d’armée Babacar Gaye, devait modérer un panel animé par un aréopage d’experts. Il s’agit du directeur de Timbuktu institute, Bakary Sambe, qui a  abordé les causes du terrorisme et de l’extrémisme violent liées à la pauvreté ; du socio-anthropologue à l’université Cheikh Anta Diop, le Pr Cheikh  Ibrahima Niang, qui a tenu une communication sur l’impact de la Covid-19 sur la jeunesse  et les opportunités dans l’après-covid ; et du général nigérian Usman Abdulmumuni Yusuf, lequel a évoqué la nécessité d’opérationnaliser la Force africaine en attente  face au besoin de coordination des armées présentes dans le Sahel.

Pour faire face aux différentes menaces qui pèsent sur le continent, tous les intervenants ont insisté sur la nécessité de combattre les vulnérabilités socio-économiques qui poussent le plus souvent les jeunes dans les bras des terroristes et de mutualiser les efforts entre Etats. On retient de leurs communications que l’espoir est permis pour une Afrique de paix et de stabilité. «Là où  il y a des vulnérabilités, il y a des moyens d’y faire face», dira le Pr Cheikh  Ibrahima Niang.

 

Hugues Richard Sama

Ouagadougou – Dakar - Ouagadougou

 

Encadré 1

Dans l’agenda du 7e forum

 

Le programme du 7e forum de Dakar inclut plusieurs activités scientifiques, dont 2 plénières et 6 ateliers organisés en deux parties  dénommées blocs 1 et 2, articulées chacune en une plénière et trois ateliers.

Le bloc 1 porte sur «Les enjeux de stabilité post Covid-19: défis sécuritaires et nouvelles menaces». Y seront développés trois ateliers : « Le défi sanitaire : vers une gestion collective des pandémies»; « Sécurité et développement : impact de la démographie et du changement climatique en Afrique» ; «Nouveaux défis : cybersécurité et lutte contre la désinformation».

Le bloc 2 est consacré à cette thématique : «Consolider la paix et la sécurité en Afrique pour favoriser l’émergence». Il comprend les ateliers suivants : « Le continent africain face à la montée de l’extrémisme violent»; «Le défi sécuritaire : coopération et autonomie stratégique des Etats africains» ; et  «Contrôle et maîtrise des espaces maritimes».

Ce forum  sera également l’occasion de lancer un nouvel «Appel de Dakar», conformément à la vision 2063 de l’Union africaine pour une «Afrique suffisamment résiliente face aux crises globales et déterminée à réaliser son émergence économique et sociale».

 

H.R.S.

 

Encadré 2

 

Terrorisme au Sahel

«La situation du Sénégal est comparable à celle du Burkina en 2014»

(Bakary Sambe, directeur du Timbuktu institute)

 

Considéré comme un grand spécialiste de la radicalisation et des phénomènes transnationaux dans le Sahel,  le directeur du Timbuktu institute, Bakary Sambe, faisait partie en 2016 du classement des «100 Africains les plus influents» établi par le New african magazine. A l’issue de sa communication sur les causes du terrorisme, nous lui avons tendu notre micro. Lui ne croit pas du tout à l’exception sénégalaise et met en garde.

 

Quelles solutions finalement face au terrorisme qui endeuille les Etats du Sahel ?

 

Il faut adopter une double attitude : préventive et sécuritaire. Généralement,  on confond  lutte contre le terrorisme et lutte contre l’extrémisme violent. La première  vise à éliminer les cibles, lesquelles peuvent  se régénérer. La lutte contre l’extrémisme violent s’attaque, elle, aux causes structurelles qui mènent au terrorisme. Il faut utiliser les militaires pour gérer  les urgences sécuritaires tout en ne négligeant pas  toute la dimension préventive. Il faut, au niveau de l’inclusion socio-économique des jeunes, lutter contre la marginalisation  de certaines régions, favoriser le développement d’un sentiment d’appartenance nationale qui va les empêcher de suivre les groupes terroristes qui viennent pour déstabiliser le pays ou pour détruire la cohésion sociale. En faisant cela, les Etats s’attaqueront aux racines du mal et non à ses symptômes.

 

On sait que le Sénégal n’a jamais enregistré d’attaque sur son sol, mais ce pays est-il vraiment à l’abri?

 

Il n’y a aucun pays au monde qui puisse dire qu’il est à l’abri aujourd’hui. J’aime prendre l’exemple du Burkina, où avant 2014, avant   les attentats du Cappuccino et du Splendid, il y avait une forte intégration entre les communautés et un dialogue inter-religieux soutenu. Pouvait-on imaginer que ce pays puisse en arriver là aujourd’hui ? Le Sénégal est dans la même situation. Nous devons donc prendre nos précautions, ne pas être dans une sorte de déni  de la réalité et nous inscrire, dès à présent, dans la prévention parce que le Sénégal se situe dans la catégorie des pays qui peuvent encore développer une approche prospective et préventive face au péril qui menace. Nous devons donc assumer une posture préventive claire, renforcer la sécurité et aller vers la coopération régionale pour apprendre les uns des autres, prendre les bonnes pratiques qui se font ailleurs. Je pense, par exemple, à la formation des imams au Maroc et aux initiatives développées par l’université al-Azhar en Egypte. Les pays doivent mutualiser leurs compétences parce que c’est un mal qui ne connaît pas de frontière.

 

Y a-t-il des signaux d’alerte qui laissent penser que le pays de la Teranga pourrait être dans le viseur?

 

Nous sommes partis de loin. Il y a des Sénégalais qui ont rejoint des groupes terroristes. En 2018, on a connu des procès contre de présumés terroristes.  Nous avons vu des vagues d’arrestations. Peut-être que le système préventif fonctionne bien. Mais je ne pense pas, comme je l’ai  déjà dit, que le Sénégal doit se considérer comme un îlot de stabilité au milieu d’un océan tourmenté. Il doit assumer une politique préventive prenant en compte la régionalisation de la menace. Les attaques de Grand-Bassam en 2016, c’était la régionalisation de la menace. Au Burkina avec le Cappuccino et le Splendid, c’était la fin des exceptions.  Et la persistance des attaques des groupes terroristes contre le Burkina n’est rien d’autre qu’une volonté de sauter le verrou burkinabè, qui est le dernier rempart avant les pays côtiers.

 

 

Lorsque le ver est déjà dans le fruit comme au Mali, au Burkina et au Niger, la négociation peut-elle être une solution?

 

Aucune guerre au monde ne s’est  terminée sur le champ de bataille. En Afghanistan, on vient de finir par ce avec quoi on aurait dû commencer. Je pense qu’à un certain moment, en  France, on a parlé aux Corses, en Espagne on a parlé à l’ETA, au Royaume-Uni on a parlé à l’IRA (Ndlr : Armée républicaine irlandaise). Il doit arriver un moment où des groupes qui sont nationaux méritent qu’on les prenne en considération. Le Burkina Faso et le Mali doivent avoir le droit de parler à leurs enfants, même si ce sont des enfants égarés. Une kalachnikov n’a jamais tué une idéologie. Nous devons penser à toutes les solutions possibles parce que le danger guette tous nos pays.

 

Propos recueillis par H.R.S.

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