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Procès contrebande de carburant : Délibéré le 21 décembre

 

Débutée véritablement le 16 novembre dernier, l’instruction du dossier dit de « contrebande de carburant » à la barre du pool judiciaire spécialisé dans la répression des infractions économiques et financières a pris fin le 29 novembre 2021. Le tribunal n’a d’abord fait qu’écouter trois plaideurs qui se sont constitués auprès de quatre prévenus ; ensuite il a pris acte du mot de fin de chaque mis en cause et enfin il a mis l’affaire en délibéré pour le 21 décembre prochain.

 

 

 

 

C’est le mardi 21 décembre 2021 que les 50 prévenus impliqués dans l’affaire de contrebande de carburant seront fixés sur leur sort. Ainsi en ont décidé les juges du pool judiciaire spécialisé dans la répression des infractions économiques et financières, après deux semaines d’instruction à la barre. Mais avant d’y arriver, la moindre minute, avant que l’audience ne soit levée, a été mise à profit par les avocats de quatre mis en cause dans cette affaire.

 

« Monsieur le président, il est évident qu’actuellement la question que vous vous posez est de savoir ce que nous allons dire de plus que ce qui a été développé par nos confrères », a débuté Me Ouangré, conseil de Sawadogo Seydou, Sawadogo Mohamadi, Sawadogo Abdoul Razack et Sawadogo Abdoul Fataf. Ils ont poursuivis pour contrebande aggravée de contrebande ; complicité de contrebande aggravée ; mise en danger de la vie d’autrui ; implantation frauduleuse d’établissement à caractère dangereux ainsi que pour détention et stockage de produits chimiques dangereux, en l’espèce du cyanure. Selon Me Ouangré, la prévention en chef (la contrebande) n’est pas constituée d’autant plus que des textes communautaires de la CEDEAO et de l’UEMOA, comme l’ont rappelé à souhait ses confrères, ont éliminé les barrières douanières et remis en cause la question du monopole. Comme second moyen de défense, il a brandi le fait qu’il n’y a d’ailleurs pas eu d’importation puisque tous les prévenus ont dit avoir acheté le carburant à Koualou (ndlr : portion disputée par le Burkina et le Bénin) ou à Kaya. « Koualou est située sur le territoire du Burkina Faso. On aurait compris, à la limite, si ces produits pétroliers provenaient du Nigeria et même s’il y a eu importation, nous venons de vous démonter une fois de plus que les barrières douanières sont tombées concernant les produits de l’espace », a poursuivi l’avocat, pour qui il n’y a pas eu contrebande, a fortiori contrebande aggravée. Le caractère aggravé, selon les dispositions, suppose que l’infraction ait été commise avec au moins trois autres personnes. N’ayant donc pas noté qu’un des prévenus a reconnu avoir fait de la « contrebande » en association avec X ou Y, Me Ouangré croit que cette prévention ne peut pas s’appliquer à ses clients. Il en est de même pour la mise en danger de la vie d’autrui. A ce propos, l’homme en robe noire fait remarquer que personne n’était animé d’une intention coupable en transportant ou stockant de l’essence. « Pour cette infraction, celui qui la commet pose un acte et attend un résultat donné. Ici, monsieur le président, monsieur les membres du tribunal, vous avez affaire à des gens qui cherchent leur gagne-pain. Comment peut-on dire qu’ils avaient l’intention d’exposer la vie d’autrui à la mort ou à des blessures d’autant plus que certains avaient des extincteurs dans leurs dépôts, véhicules ou ont clôturé leurs entrepôts et ne permettaient pas à leurs enfants d’y accéder ? Si vous posez à Sawadogo Seydou la question de savoir si en construisant son entrepôt il voulait blesser ou tuer quelqu’un, il vous répondra non ! », a développé Me Ouangré.

 

 

 

Plaidoirie pour un ‘’dément’’

 

 

 

Et son confrère Me Aziz Ouédraogo de renchérir que c’est la première fois qu’il entend parler de cette infraction de mise en danger de la vie d’autrui où on « veut tout mettre ». « Si on n’y prend garde, bailler serait mettre la vie d’autrui en danger », a-t-il relevé puisqu’à travers ce geste, l’intéressé peut transmettre des germes, des virus à autrui, surtout dans ce contexte de coronavirus. « Il ne suffit pas d’une violation de la loi pour qu’on dise qu’il y a mise en danger de la vie d’autrui. Autrement dit, quelqu’un qui brûle le feu tricolore ne met pas automatiquement la vie d’autrui en danger, monsieur le président. Nous sommes en droit pénal, il ne suffit pas de s’imaginer que tel comportement ou attitude peut mettre autrui en danger ; il faut que vous ayez une disposition précise qui réprime ce comportement ou attitude. Or, il n’y en a pas. De plus, on parle de citernes qui seraient plus appropriées pour le transport du carburant. Quelle disposition vous dit qu’un camion aménagé (Ndlr : qu’ils appellent Vbox) ne peut pas transporter de l’essence ? », a clamé Me Ouédraogo.

 

Le cas qui aura retenu l’attention de plus d’un est celui du prévenu Sawadogo Mohamadi, qui souffrirait de troubles mentaux. « Monsieur le président, on dit que le jour de l’accouchement il n’y a pas de honte. Nous avons versé à votre dossier un certificat médical, nous n’avons pas intérêt à fabriquer un document comme le prétend le parquet. Son médecin traitant dit qu’il souffre depuis 2017. Ce qui a été confirmé par un autre médecin. Si le procureur avait des doutes, il pouvait demander une contre-expertise. Souvent, il peut être cohérent, parce qu’il a des moments de lucidité. Mais par moments aussi, il délire et est même violent et nous avons été interpellés par la MACO dans ce sens », a affirmé Me Ouangré, pour qui Sawadogo Mohamadi ne devrait pas écoper de 60 mois de prison. Dans le pire des cas, il a souhaité que le tribunal en tienne compte comme circonstances atténuantes ; lui qui a été retenu uniquement sur la base de ses propres déclarations. A l’exception de Sawadogo Abdoul Razack et de Sawadogo Abdoul Fataf, dont ils sont sûrs qu’ils seront relaxés, les trois avocats de la dernière vague ont plaidé le sursis pour des « délinquants primaires » et engagés dans la prise en charge de personnes déplacées internes à Kaya.

 

« Je demande pardon » ; « je ne savais pas que c’était interdit » ; « je ne vais plus recommencer » ; « ma femme est décédée, pardonnez-moi et permettez que j’aille m’occuper de mes enfants » ; « si je suis dans l’erreur, pardonnez-moi, je ne l’ai pas expressément fait » : voilà des morceaux choisis de mots de fin des 50 prévenus qui se sont succédé à la barre avant que l’audience ne soit levée.

Aboubacar Dermé

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