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Ma Patrie/Mon action : N’an laara, an saara (1)

 

Ces dernières années, le Burkina Faso a beaucoup été éprouvé par la recrudescence des attaques terroristes avec leurs corollaires de morts et de déplacés internes. Dans cet écrit, le journaliste-écrivain-réalisateur, Jules Ouédraogo déplore le comportement des Burkinabè dans cette crise sécuritaire. Pour lui, les populations pactisent avec le diable pour créer le chaos. Malgré les efforts du gouvernement, les Burkinabè s’adonnent selon lui à des critiques  « peu constructives » pendant que le chef de l’Etat souffre dans sa chair.

 

 

 

 

Je ne vais pas m’appesantir sur le fond du discours de présentation des vœux du chef de l’Etat aux Burkinabè, le 31 décembre 2021. Certains diront que c’est du remake, du déjà entendu. Le paradoxe, c’est que ce sont aussi les mêmes répliques que le camp d’en face oppose aux différents discours du chef de l’Etat sans contrepartie réelle de sortie de crise. Comme on le dit, la critique est aisée, l’art difficile. Et pourtant les vœux du président Roch Marc Christian ont été marqués par un symbolisme très fort. Jamais on n’a vu sous les cieux du Burkina et même ailleurs, un comportement pareil de la part d’un chef d’Etat. L’homme est apparu devant ses concitoyens, le soir de la Saint-Sylvestre tout de noir vêtu. Un attribut de deuil et cela nous rappelle l’Ancien Testament où les rois pour manifester la repentance du peuple d’Israël se revêtaient d’un sac et s’asseyaient sur des cendres. En cas de décès d’un proche, la personne endeuillée se revêtait d’un sac pour manifester sa tristesse. Malheureusement, ils sont peu nombreux à percevoir ce symbolisme, à percevoir la gravité du moment.  Le message pour ceux qui ont prêté attention au discours est qu’il est temps pour tous, de se conformer à un nouvel état d’esprit.

 

 

 

Roch affecté par la situation sécuritaire

 

 

 

C’est vrai, le Président du Faso a beaucoup fondu. Son regard est devenu creux, hagard, mais d’une profondeur et d’une dureté qu’on ne lui avait jamais connu. Il y a quelque chose de fondamental qui a changé en lui. On ne perçoit plus ce côté débonnaire qui était un de ses traits caractéristiques, son rire franc et massif. Je ne dirais pas qu’il a mûri, ce serait faire une insulte à son âge et à sa capacité de résilience. En réalité, l’aspect physique du président Kaboré est parlant. Il n’est pas abattu par les épreuves encore moins habité par la peur.  Affecté ? Oui. Mais en lui fusent toute la détermination de son engagement politique et sa rage de vaincre.

 

Les propos de l’homme qui semble le connaître le mieux, dépeignent éloquemment la nature fondamentale de Roch Marc Christian Kaboré. Dans mon ouvrage intitulé « Roch Marc Christian Kaboré. Un chemin tout tracé », édité en 2015 et réédité en 2020 aux éditions l’Harmattan, monsieur Seydou Zagré son directeur de cabinet dit ceci : «  A coup sûr, si vous voyez que ça ne va pas chez le Président, c’est un enfant qui est malade, où alors un proche, un ami qui vit une situation difficile. Le Président est un homme profondément humain et vraiment, c’est à ce moment-là que vous sentez que ça ne va pas. Sinon, si ce sont les graves crises politiques qu’il a traversées, je ne l’ai jamais vu ébranlé par quoi que ce soit… Il n’est affecté que lorsque quelque chose de sérieux touche ses enfants, sa famille, ses proches et ses amis ». Comment peut-il dans la situation actuelle où les morts se comptent par centaines, les déplacés internes par dizaines de milliers, comment peut-il ne pas souffrir dans sa chair, comment en tant que chef d’Etat  peut-il rester de marbre devant la souffrance de son peuple et ne pas être affecté ? Combien de personnes savent que son meilleur ami, Pascal Kinda, était parmi les premières victimes tombées sous les balles assassines des terroristes au Cappuccino, le 15 janvier 2016, deux semaines seulement après sa prestation de serment comme 9e président du Faso. Cruel est le parcours de Roch Marc Christian Kaboré depuis 2016.

 

 

 

Il faut un véritable dialogue

 

 

 

Il ne s’agit pas là de sauver le « soldat » Roch il n’en a pas besoin, croyez-moi, mais il s’agit de soulever des questions de l’heure qui permettent de comprendre en creux l’urgence d’une union sacrée autour du président du Faso.  La thématique centrale  n’est autre que l’urgence de bâtir l’unité nationale dans la lutte contre le terrorisme. Mais cette nécessité qui est par ailleurs la condition sine qua non pour vaincre les terroristes ne saurait, il faut le reconnaître, être dissociée de l’ensemble de la politique menée par le président Kaboré. Il est donc de bon ton qu’un véritable dialogue se mette en place avec toutes les composantes de notre société – tous les acteurs sans exclusive - afin de s’inscrire résolument dans la perspective d’une sortie vitale du carcan politique dans lequel notre pays s’est enfermé. Lequel carcan n’a que trop duré et manifestement montré ses limites face aux enjeux du moment.   

 

 

 

En 1974, pendant la guerre Burkina – Mali, l’honneur de la patrie était plus fort

 

 

 

« Parmi les droits et devoirs, tout citoyen a le droit  de vivre dans la sécurité et aussi le droit et le devoir de contribuer à cette sécurité », nous enseigne le professeur de Droit constitutionnel  Augustin Loada.   C’est la moindre des choses pourrait-on tenter de répliquer, une vérité de La Palisse. Le bon  sens quoi ! Mais où se trouve aujourd’hui  le juste milieu, repère existentiel et caractéristique de l’homme et de tout homme. D’où nous vient alors cette déshumanité qui nous rapproche de plus en plus de la bête. Ne nous voilons plus la face, il est désormais établi que notre société se porte mal et est mue par une force terrifiante qui la pousse à s’autodétruire. Le politiquement correct aujourd’hui, c’est quand on développe la terreur quelle que soit sa forme ; c’est quand on terrifie. 

 

Personnellement j’ai vu passer la guerre devant ma fenêtre en 1974 pendant le malheureux conflit qui opposa  les deux pays frères : le Mali et la Haute-Volta d’alors. J’étais en classe de terminale et je logeais à l’époque chez mon cousin Eustache Ouédraogo, officier, capitaine  dans l’Armée nationale. Son logement était situé juste en face de la garnison du camp militaire de Bobo. J’ai vu nuit et jour des camions militaires chargés de soldats (mon grand cousin  était de la partie) quitter le Camp Ouezzin pour le front. Mais j’ai surtout vu des concitoyens descendre du train en provenance de la Côte d’Ivoire, et d’autres qui accouraient des villages et hameaux, convergeant tous vers le camp militaire. Ils ne savaient rien du maniement des armes mais voulaient se faire engager et même par la force. L’honneur de la patrie, disaient-ils, était plus grand et plus fort que tout. Ils étaient prêts à sacrifier leur vie pour leur pays dont ils en étaient fiers. Ils  écumaient de rage, les yeux rougis par la colère. Leur désir, combattre l’ennemi, sauver la mère patrie. Tout cet élan patriotique était soutenu par une infernale guerre des ondes. Qui pouvait à l’époque  croiser les bras et rester indifférent à la voix martiale empreinte de gravité, de solennité  du journaliste Paul Ismaël Ouédraogo, dont les chroniques de guerre sur Radio Haute-Volta enflammaient l’ardeur des soldats et des populations ? Dans le pays profond et même au-delà, notamment en Côte d’Ivoire, les appels aux armes du Larlé Naaba Agba  à travers ses contes du mardi soir faisaient échos à l’extrême clameur des foules, scandant des hymnes à la  gloire des soldats. Ces hommes et ces femmes, hérauts d’une époque, ont contribué d’une certaine manière à écrire en lettres d’or l’histoire héroïque de notre peuple. Ils avaient  le don de faire du plus misérable des gueux, un preux chevalier.  

 

Aujourd’hui la tristesse envahit mon âme frappée par l’hydre du terrorisme. Face à nos forces de défense et de sécurité, des mutants, capables de se transformer en une immonde machine à tuer. Le terroriste combat sans uniforme et se mêle à la population civile, ne porte pas d’armes apparentes, ne respecte pas le droit des conflits armés « militaires », écrit monsieur Xavier Raufer spécialiste du terrorisme, avec qui j’entretiens une correspondance soutenue et qui a beaucoup de compassion pour le Burkina. Lui, n’hésite pas à parler d’entités hybrides pour qualifier les auteurs de cette guerre criminelle de civils. 

 

 

 

Des apatrides pactisent avec le diable pour créer le chaos

 

 

 

Dans l’acception de la définition de la guerre, dit-il «  nous savons  que celle-ci se distingue en deux modes de confrontation : « Il y a d’un côté la guerre dite « militaire » et de l’autre la « guerre civile ». Pour cette pensée de l’ordre et du désordre,  «  l’Etat seul fait la guerre : lui seul dispose de l’usage légal et normalisé de l’homicide ». En l’absence donc de l’Etat, c’est le chaos, la sédition, la guerre de tous contre tous », souligne le spécialiste des questions terroristes.

 

Ainsi, lorsqu’on évoque la question du terrorisme au Burkina, on est dans la confusion la plus totale, parce que difficilement classifiable par rapport à la pratique des terroristes sur le territoire national. Drogues, blanchiment d’argent, mafia, religion, conflits identitaires, etc., rien de tout cela ne constitue au Burkina des enjeux importants pour ceux qui nous ont déclaré cette sale guerre. Mais alors, pourquoi les terroristes ont pour cible principale le Burkina ? On a surtout l’impression en réalité, croyez-moi, ce n’est pas une vue de l’esprit que quelque part, il y a un agenda préétabli de déstabilisation du pays. On a beau chercher dans les questionnements, des réponses pour nous situer sur la problématique,  on finit toujours par  se perdre  en conjecture.  Depuis la nuit des temps, les peuples des territoires de la Boucle du Niger ont toujours vécu en harmonie et dans la fraternité allant souvent jusqu’à établir entre eux des zones tampon pour se protéger les uns les autres contre l’ennemi. Le Burkina, cette entité territoriale de la Boucle du Niger, est  aujourd’hui  en guerre et cela n’émeut personne. Bien au contraire, des apatrides s’évertuent à pactiser avec le diable pour créer le chaos. Et pourtant nous avons déjà vécu deux guerres. Remontant encore plus loin dans  l’histoire, les contrecoups de celle-ci nous font découvrir des événements mouvementés et tragiques qui ont parsemé notre parcours et modelé le paysage de notre cher pays à maintes reprises. La mémoire collective  rappelle -à moins qu’elle ne soit devenue amnésique-  les luttes héroïques anticoloniales menées par nos grands-parents. D’eux, nous héritons d’un fameux lègue : Le Burkina Faso.  Que n’ont-ils pas fait nos pères, nos aïeux pour conserver ce territoire créé le 1er mars 1919 et qui fait de nous aujourd’hui, des citoyens du monde à part entière.

 

Le Burkina, ex-Haute-Volta, a accédé à son indépendance le 5 août 1960. Où se trouvent les traces des combats menés par nos pères ? Que retenir de la colonisation qui aura été une parenthèse de fer et de sang, de chaînes et de sueurs, de coups de pieds dans le derrière, de brimades et d’humiliation ?  Les grandes nations sont celles qui se sont bâties sur les réalités de leurs cultures et de l’histoire de leur peuple. Visiblement, ce bel héritage légué par nos pères ne semble pas profiter à notre Génération,  toutes générations  confondues.

 

L’Etat dans tout ce cafouillis est pris entre deux tenailles : D’un côté, dents aiguisées, les avis, analyses et critiques des experts des questions de sécurité et de l’autre, les attaques des terroristes. Par principe, chaque citoyen doit témoigner d’une plus grande allégeance envers son pays, c’est-à-dire de l’Etat, qui est  la forme (faute de mieux) la plus moderne qui régit la vie des populations d’une entité territoriale. Constatation décisive, les frondes sociales que nous vivons depuis l’avènement de l’Administration Kaboré  se sont imposées d’une manière ou d’une autre, à notre corps défendant, dès l’origine de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Grisés par leur victoire sur le pouvoir rétrograde de Blaise Compaoré,  les insurgés tels les sans-culottes de la Révolution française de 1789 veulent désormais gérer directement le pouvoir et exercer par eux-mêmes la souveraineté du pouvoir d’Etat.

 

 

 

« Nous vivons dans un monde du tout pour soi et rien pour l’Etat »

 

 

 

 Pire, le pays  ne cesse de secréter une élite d’oligarques, qui vivent à travers la numérisation mondiale, à la hauteur des démocraties dites avancées. Ces élites sont déconnectées des réalités du pays, ce sont des privilégiés de la dénégation. Dans les pays à démocratie avancée, aucune n’a copié intégralement le système de l’autre. Il ne faut pas avoir peur de l’avouer, le malheur de la gouvernance au Burkina provient du manque de respect des institutions qui régissent le fonctionnement de l’Etat. Conséquence, nous vivons dans un monde du tout pour soi et rien pour l’Etat.  L’indifférence, l’apathie des uns et des autres et surtout «  des gens bien » selon  l’expression du défunt Norbert Zongo sont contreproductives dans la lutte contre le terrorisme.  Face à la dégradation de la situation sécuritaire, ces attitudes irresponsables sont incompréhensibles et inquiétantes.   Notre monde d’aujourd’hui ne produit plus des faiseurs de héros et  dans le fracas de l’histoire récente de notre pays, le héros n’est plus qu’une unité linguistique, un simple mot. Il a cessé d’exister. Il n’est plus ce levain qui fait monter la pâte de la fibre patriotique.

 

On a froid au dos en regardant nos concitoyens agir de la sorte, face à la menace terroriste. Assurément, il y a là un problème moral ou politique qui se manifeste comme une prémisse nécessaire du refus de l’Etat et même finalement du refus de non existence. Une sorte de démocratie anarchique. Déjà, je le soulignais dans un article paru dans L’Observateur paalga du 28 janvier 2018  concernant la fronde sociale : « La situation que nous vivons au Burkina révèle quelque chose à laquelle nous ne sommes pas préparés ou plutôt, elle ne fait pas partie de nos préoccupations premières. C’est le cynisme public. Domaine réservé à quelques représentants de l’élite, nouveaux seigneurs qui estiment n’avoir aucun compte à rendre à qui que ce soit mais exigent tout, des autres, en l’occurrence de l’Etat ».  La naissance de cette nouvelle race d’analystes résulte de ce constat. Les « polémistes professionnels » comme on les appelle dans l’Hexagone se complaisent dans des formulations situationnistes dont le seul objectif est de contribuer à « mouvementer » l’opinion.  Le terrorisme, c’est l’incapacité de l’Etat à faire face à la situation sécuritaire, déclarent la plupart des analystes autoproclamés du terrorisme. Tout le monde s’autoproclame expert en ceci et cela. Tous ces trucs, toutes ces machinations nécessairement et fatalement, aboutissent à la suprématie des pires, écrit Jules Lemaître, homme de Lettres français.

 

 

 

« Nos critiques à l’endroit du gouvernement sont  souvent mal placées »

 

 

 

Notre monde est devenu un village planétaire, affirmait le sociologue canadien Mcluhan. « Tout se sait ». Les modes de recrutement et d’attaques des terroristes sont identiques partout dans le monde ; sur le Net, on a toutes les informations nécessaires pour étayer des analyses à souhait. Un peu plus de modestie et d’effort intellectuel pourraient permettre aux Burkinabè, à travers des analyses  et des critiques pointilleuses de mieux mesurer la gravité et les conséquences qu’engendre le terrorisme dans notre pays. Face au danger, chaque Burkinabè doit s’assumer et s’engager résolument à résorber le mal. Au lieu de cela, au lieu d’une prise de conscience des faits qui nous accablent, ces Burkinabè pur teint dans leurs envolées satiriques et leur suffisance intellectuelle pour des raisons qu’eux seuls savent, ne cessent de créer des vagues dont les conséquences sont désastreuses pour la cohésion sociale et la sérénité au sein des troupes combattantes. En tirant à tout moment  sur le gouvernement à hue et à dia, nos critiques souvent mal placées ne font qu’annihiler les efforts déployés par l’Etat et les forces de défense et de sécurité pour combattre les forces du Mal. Du pain bénit pour les djihadistes qui n’en attendaient pas mieux. Faiblir l’autorité de l’Etat, désorienter les forces de défense et de sécurité, créer la peur et semer la panique au sein de la population, c’est l’objectif recherché par les terroristes.  Le nombre de morts importe peu, même un mort constitue un grand satisfecit pour eux, même une attaque ratée ou déjouée est importante pour les terroristes grâce aux retombées médiatiques. L’effet pervers recherché coûte que coûte étant de terrifier.

 

 

 

Comment on peut soutenir les FDS sans soutenir l’Etat ?

 

 

 

Dans cet état d’esprit des populations, comment comprendre que des Burkinabè puissent  déclarer sans sourciller, qu’ils soutiennent les FDS dans leur combat contre les terroristes, mais pas le gouvernement, surtout pas le président Kaboré. C’est d’une telle aberrance ! Effet escompté certainement ? Discréditer le gouvernement, le mettre hors-jeux, le déstabiliser, provoquer les conditions idoines d’un soulèvement populaire. Pensons avec intelligence et cherchons à comprendre. Un  chaos dans notre pays profitera à qui ? Les premières victimes du chaos seront les fonctionnaires et les commerçants. Où trouver de l’argent dans un contexte généralisé de récession économique pour payer les fonctionnaires et faire fonctionner l’Etat ? Bonjour donc les dégâts et les arriérés  de salaires. Des salaires qui tomberont les 10 ou les 15 du mois, ou même pas du tout.  Pensons-nous à cela ? Allons-nous ainsi rester les bras croisés sans réagir et nous laisser conduire comme des moutons de Panurge à l’abattoir par des apatrides qui ont vendu leurs âmes à Satan ?  Comment ne pas s’indigner encore quand un professionnel de la plume écrit in extenso dans un  journal, les lignes qui suivent : « Le Burkina vient encore d’être endeuillé. En effet, un véhicule des forces de défense et de sécurité de retour d’une mission de ravitaillement, a sauté sur un engin explosif improvisé (EID) hier aux environs de midi, à 8km au sud de Nassoumbou dans le Soum. Le bilan fait état de deux morts et de trois blessés tous des éléments du GFAT. Les décédés sont le sergent Bicaba (excusez du peu) de la promotion de 2005 et le soldat de première classe, Ima Nestor Ouédraogo de la promotion de 2001 ». (Excusez du peu). Les deux parenthèses sont du journaliste lui-même. Il doit être très bien servi aujourd’hui avec l’attaque d’Inata qui a fait du coup plusieurs dizaines de gendarmes tués le 14 novembre 2021. C’est de la jubilation morbide, et ils sont nombreux ceux qui applaudissent à se rompre les phalanges chaque fois qu’un soldat tombe ou que des civils sont tués. Pourvu qu’ils aient, eux, du grain à moudre.

 

Il faut ce qu’il faut pour créer une armée  républicaine et opérationnelle. L’Armée nationale n’a jamais constitué une priorité pour les autorités de notre pays et cela se comprenait aisément. A budget faible, dépenses limitées. Une armée se mesure en termes de capacités humaines et matérielles. Déjà en 1985 pendant la deuxième guerre contre le Mali appelée guerre de Noël ou encore des pauvres, on s’est beaucoup moqué de la capacité opérationnelle de l’armée burkinabè qui ne possédait à vrai dire, de presque rien pour combattre l’ennemi à part ses soldats et leur bravoure. Blaise Compaoré est celui qui a de loin songé à doter notre armée de matériels militaires adéquats, il en avait bien besoin au lendemain du 15 octobre 1987 pour asseoir son pouvoir. En fin stratège, il avait compris que pour pérenniser ce pouvoir, il lui fallait créer « sa propre armée ». Le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) une unité d’élite spécialisée, répondait à cette vocation. Le RSP a permis du coup au président Compaoré d’avoir l’esprit tranquille au plan interne pour gouverner à sa guise et de s’affirmer sur la scène des opérations militaires en Afrique. Par cette politique de la terre brûlée, l’homme fort de la tragédie du 15 octobre, se débarrassait d’une armée dont il n’avait nullement confiance, à juste raison d’ailleurs, car celle-ci ne s’était illustrée jusque-là qu’à travers des opérations de coups d’Etat.

 

 

 

 

 

« Notre armée est en train de se relever de ses ruines »

 

 

 

Dépouillée de tout son arsenal au profit du RSP, l’Armée nationale se voyait réduite à sa plus simple expression, n’excellant que dans le génie militaire, le social et la santé. Les critiques reprochent à l’Administration Kaboré  de ne pas faire suffisamment assez pour assurer la sécurité des Burkinabè tout en oubliant que notre Armée vient de loin et est en train de se relever de ses ruines. Une Armée digne de ce nom ne se bâtit pas en deux ou trois ans. Malgré les efforts de l’autorité burkinabè et l’urgence de la situation occasionnée par la guerre que nous imposent les terroristes, l’Armée nationale a encore du chemin à parcourir pour devenir une armée moderne et opérationnelle. La preuve, dans le classement des Armées du monde (des Armées issues de plus de 100 pays) établi par Global Fire Power, une revue militaire, notre Armée nationale n’a pas été classée. Elle ne figure ni dans le classement  de 2017, ni dans l’édition de 2018. Voici la triste réalité. Nous n’étions jusque-là que des tigres en papier.

 

Le gouvernement  semble avoir pris la juste mesure de la situation et l’urgence qu’il y a à remettre debout notre Armée nationale.  En 2016, l’octroi d’une allocation de 76 milliards de francs CFA a permis de doter l’Armée d’un matériel adéquat et le Plan national de développement économique et social (PNDES1) n’a pas occulté les aspirations de la Défense. Dans son volet défense, les autorités ont mis en place un Plan stratégique pour la réforme des Forces Armées nationales allant de 2017 à 2021 ; ce grand projet va permettre  de moderniser la grande muette et lui donner le rayonnement indispensable pour assurer sa mission régalienne : La défense de la République.

 

En voyant nos jeunes soldats tombés, fauchés par les rafales des fusils d’assaut  des djihadistes, j’éprouve des sentiments  de tristesse et de compassion. Je comprends et je partage la souffrance des parents de ceux qui ont donné leur vie pour que vive la République. Je voudrais dédier à ces parents endeuillés, les mots prononcés par le frère et la mère du lieutenant-colonel français de gendarmerie Arnaud Beltrame tué lâchement dans un supermarché, le 24 mars 2018. Il a proposé à ses tueurs dépourvus de toute humanité, en échange, de prendre la place des otages en leur possession, tout en sachant qu’il serait tué. Les mots de sa mère et de son frère, sonnent comme des cloches de Pâques : «  Il a donné sa vie pour quelqu’un d’autre. Il savait certainement qu’il n’avait pratiquement aucune chance. Il a quand même été très conscient de ce qu’il a fait. Echanger sa place contre celles d’otages ». « Il me dirait, je fais mon travail maman, c’est tout ». Des mots plus forts que ceux-ci, j’en ai cherché en vain pour qualifier la grandeur d’âme des parents endeuillés. Oui, nos soldats qui tombent tous les jours au front devraient nous inciter aussi à accepter nous les proches, le sacrifice suprême qu’ils ont consenti pour leur cher pays. C’est d’eux, que naîtront demain les vrais hommes intègres de notre Nation.

 

Avant de fermer les bans pour reprendre une expression militaire, je voudrais en ces moments difficiles pour notre pays, citer le grand sage, monseigneur Anselme Titianma Sanon, archevêque émérite de Bobo-Dioulasso. Dans sa préface de la chronique du livre de Hama Baba, journaliste, écrivain et ancien ministre, chronique intitulée « Blaise Compaoré, un Artisan de paix », l’archevêque écrit ceci :

 

« … Et c’est là, l’un des paradoxes de ce petit pays, le Burkina, ‘’ce beau pays, même s’il est petit’’, nous l’aimons non seulement de manière poétique mais en pleine objectivité des faits. Ceux et celles de ma génération qui ont entendu les objections à l’indépendance de ce pays aux savanes et sahels désertiques, avec quelques rares troupeaux à l’ombre d’épineux et au milieu de dunes, ont également entendu ceci : Vous ne pourrez pas vivre car vous n’avez rien : sols ingrats, sous-sol vide, sans rivières ni débouchés sur la mer. Mais il reste toujours vrai que pour faire un beau pays, il faut le faire. Comme le chantait notre génération : Notre Afrique de demain nous la ferons de nos mains… Nous la moulerons de nos mains…’’ à la manière africaine’’ »  

 

Cessons donc  de tourner autour du monstre. Agissons comme des Burkinabè dignes de ce nom qui ont le mérite de leurs devanciers. Pour cela nous avons notre histoire, revisitons-là.  

 

Jules Ouédraogo

 

Journaliste-Ecrivain- Réalisateur 

 

 

 

(1)Si nous nous couchons, nous sommes morts. Expression en dioula de Joseph Ki-Zerbo

 

 

 

En encadré

 

 

 

Rendons hommage aux FDS et aux VDP

 

 

 

Le sursaut national passe d’abord par la reconnaissance de ceux qui ont donné leur vie pour la patrie. Jamais les soldats tombés au front ne doivent rester dans les oubliettes de l’histoire de notre pays.

 

Pour ce faire, nous pensons que le sursaut national est la seule solution pour lutter contre le terrorisme. Il nous faut en appeler à l’esprit patriotique de tous, en nous inspirant du sacrifice suprême de ceux qui sont tombés.

 

Rendons hommage à nos héros en baptisant de leurs noms et prénoms, les rues, les écoles, les places publiques, les hôpitaux etc. Que soient dressées dans les chefs-lieux de régions des stèles gravées des noms et prénoms des fils et filles de la région, tombés au front. 

J.O.

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