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Mort Idriss Déby : Un an et de nombreuses interrogations

Foi de ses proches, c’est de cette façon que le militaire qu’il était  resté dans l’âme a toujours voulu mourir. Au combat. De ce point de vue, on peut dire que son vœu a été exaucé. Quand ce jour 17 avril 2021, alors que les rebelles du Front pour l’alternance et le changement au Tchad (FACT) qui ambitionnait marcher sur Ndjaména gagnaient du terrain, il montait au front sabre au clair il était cependant loin d’imaginer qu’il reviendrait les deux pieds devant.

 

Que s’est-il passé le 20 (à moins que ce ne fut le 19) aux confins du Kanem ? Idriss Déby Itno a-t-il été  touché mortellement par l’ennemi, comme le veut la vulgate officielle qui porte aux nues le héros mort pour la patrie, ou a-t-il été plutôt victime d’un fatal  règlement de compte interne ? Un an après, un voile de mystère entoure toujours les circonstances exactes de la disparition du président tchadien qui a régné d’une main de fer pendant trente ans sur ce pays abonné à l’instabilité chronique.

Pour ce premier anniversaire qui marque « la sortie de deuil », les  « nouvelles » autorités ont choisi de faire dans la sobriété   à travers des prières et des conférences. Une sobriété toute relative cependant dans la mesure où hier mercredi 20 avril 2022, dans son village natal, Amdjarass, dans le nord-est du pays, a été posée la première pierre de son mausolée. Ce sera un somptueux monument funéraire en marbre digne de Kim-il-Sung, d’une hauteur de 7 mètres pour 650 mètres carrés qui devrait être terminé dans 8 petits mois. Rien n’est trop beau pour le petit berger de Berdoba  qui s’était fait bombarder maréchal du Tchad, comme l’ont fait jadis des satrapes du genre Bokassa. 

Cette discrète commémoration aura surtout été l’occasion pour Mahamat Idriss Déby, le fils qui a hérité du trône de papa dans la plus pure tradition monarchique, de faire son bilan à travers une adresse télévisée à ses concitoyens. En fait de bilan, il s’est surtout agi d’un plaidoyer pro domo du président du Conseil militaire de transition (CMT), pour qui la prise du pouvoir par l’armée a permis d’éviter « un vide institutionnel ». Mais de quel vide institutionnel parle-t-on quand, de gré ou de force, le président de l’Assemblée nationale d’alors à qui devait échoir constitutionnellement l’intérim de la charge suprême, excipant du contexte sécuritaire dans le pays et dans la sous-région sahélienne minée par le terrorisme,  a préféré se débiner au profit de « monsieur fils » ? Qui est fou ?  On l’aura compris, ces « petits arrangements à l’Africaine », comme dirait Jean-Yves Le Drian, auront surtout permis au clan Déby de conserver leur affaire.  Et on peut raisonnablement penser qu’il ne la lâchera pas aussi facilement à l’issue de la Transition.

 Si l’on s’en tient à la feuille de route adoptée en Conseil des ministres le 29 juillet 2021, les élections pour un retour à une vie constitutionnelle normale sont censées se tenir entre juin et septembre prochains. Un délai humainement intenable, cela d’autant plus que le dialogue national inclusif qui devait avoir lieu en novembre 2021 est finalement programmé pour mai prochain si tout se passe bien ; les préliminaires  de Doha au Qatar, où le gouvernement discute depuis le 13 mars avec une cinquantaine de groupes politico-militaires se révélant  plutôt poussifs. Et la grande question, si c’en est vraiment une, c’est de savoir si le  légataire universel va accepter  de rendre le pouvoir à un président civil démocratiquement élu. Le fameux dialogue inclusif  ne sera-t-il pas à la Goïta, c’est-à-dire un conclave dont le seul but est de faire dire aux participants ce que le président veut bien qu’ils disent ?

 

Ousséni Ilboudo

Dernière modification lejeudi, 21 avril 2022 19:32

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