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39 mois pour la transition guinéenne : Toi aussi Doumbouya !

Il aura fallu presque 9  mois au  colonel Mamady Doumbouya pour accoucher  d’un chronogramme de la Transition. Le samedi 30 avril 2022, le chef de la junte qui a renversé le professeur Alpha Condé le 05 septembre 2021 s’est en effet invité sur le tube cathodique pour dire aux Guinéens que le temps pour un retour à une vie constitutionnelle  normale était fixé à trente- neuf mois. 39 ! Pas 36 ou 42, non, 39 ! C’est d’une précision d’horloger. Voici donc ses compatriotes fixés, de même que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest. 

 

A l’issue de son sommet du 3 mars dernier, l’organisation sous-régionale avait sommé Conakry et Ouagadougou de proposer un délai « acceptable » au plus tard le 25 avril, faute de quoi des sanctions ne manqueraient pas de tomber. Mais à l’approche de la date-butoir, les deux pays avaient demandé un temps supplémentaire pour « poursuivre les discussions ». 

Nous voilà donc enfin situés sur les intentions réelles du nouveau locataire du Palais de Sékhoutouréya qui s’était jusque-là inscrit dans une posture de défiance vis-à-vis de la CEDEAO dont il refusait « le diktat ». C’est à se demander donc s’il n’a pas proposé quelque chose juste pour avoir la paix.  Si l’on croit ce que dit l’ancien légionnaire dans son adresse du samedi soir, il ne décide pas seul et ces trois ans et trois mois sont le résultat des consultations tous azimuts qu’il a entrepris depuis des mois avec les différentes couches socio-professionnelles du pays, à travers notamment les journées nationales de concertation, les assises nationales et le cadre de concertation et de dialogue qui vient de déposer son rapport provisoire. Nonobstant le boycott d’une frange considérable de la classe politique qui ne voulait pas, à juste titre, se faire complice de la forfaiture qui se dessine, le calendrier serait, dit-on,  une  position « médiane »  dans la mesure où « l’ensemble des acteurs » avait suggéré une fourchette on ne peut plus large de 18 à 52 mois.  Il reviendra en dernier ressort au Conseil national de transition de donner son onction législative. 

Un processus donc tout ce qu’il y a de démocratique comme si on ne savait pas comment tous ces conclaves sont caporalisés, que ce soit en  Guinée, au Burkina ou au Mali, pour faire dire au bon peuple ce que l’homme fort du moment veut bien qu’il dise.

Mais cet agenda  a beau être l’émanation « de la volonté populaire » comme  veut le faire accroire le président du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD),  on doute cependant qu’il rencontre  l’assentiment de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO même si l’institution n’avait pas encore réagi. 

A moins que sa proposition soit une base de négociation, question de monter les enchères pour donner ensuite l’impression après marchandage qu’il met un peu d’eau dans son vin, Doumbouya, passé maître dans l’art du dilatoire,  sait pertinemment que ses 39 mois ne sauraient être « raisonnables et acceptables ». Comment pourraient-ils l’être puisque les 36 mois du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba ne le sont déjà pas,  alors que lui a au moins l’excuse d’être à la tête d’un pays dont une bonne partie est sous l’emprise de terroristes  et que la guerre a occasionné deux millions de déplacés internes ? Même  Assimi Goita, qui voulait initialement cinq bonnes années pour refonder le Mali se contenterait bien aujourd’hui de 24 mois, ce dont du reste la CEDEAO ne veut toujours pas entendre parler.    

En réalité, si on ajoute au 39 mois les 8 qui se sont déjà écoulés depuis la chute d’Alpha Condé, on aboutit à 47 mois. Quatre ans pratiquement alors qu’il faudrait juste revoir l’armature juridique et institutionnelle (constitution, code électorale, code minier, etc.) et procéder à un toilettage rigoureux du fichier électoral pour permettre un jeu démocratique vraiment loyal. 

C’est tout ce qu’on demande à une transition, à  charge pour le futur président élu de poursuivre le travail de moralisation de la vie publique qu’il n’aura pas eu le temps d’achever. Et pour ça, monsieur veut quatre ans. Quand même ! Toi aussi Doumbouya, faut faire pardon !

 

LA REDACTION

Dernière modification lemardi, 03 mai 2022 22:14

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