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Arts plastiques : André Sanou, un peintre est parti

Lartiste plasticien André Sanou est décédé le 25 mai 2022 à Bobo-Dioulasso. Il fut un artiste qui a tenté de (re)concilier le contemporain avec les ressources iconiques du patrimoine africain. Retour sur un parcours fait dombre et de lumière.

 

 

Comment évoquer André Sanou ? Nous lavons découvert dans les années 2000 après son retour de France. Avec Prosper Tiendrébéogo, à l’époque directeur des Arts au ministère de la Culture, nous étions passé chez lui, un loft qui lui servait de domicile et datelier. En ces temps-là, il portait les stigmates de cette aventure occidentale qui a mal tourné et dissimulait ses blessures dans un travail acharné de création. Il essayait de retrouver sa place de grand artiste de la commune de Bobo.

André Sanou est né en 1962 à Bobo-Dioulasso. Très jeune, il découvre quil est doué pour le dessin. Mais cest durant son séjour abidjanais, sur les bords de la lagune Ebrié, quil perfectionne son art de la calligraphie et du dessin. Affichiste, il peignait des panneaux publicitaires, particulièrement ces paquets de cigarettes rouge et blanc avec les lettrines Marlboro en noir et le cowboy à la moustache virile qui éperonnait un pur-sang hennissant et bondissant.

Cest de cette expérience daffichiste quil a tiré sa grande maîtrise de la peinture réaliste. Très bon portraitiste, il a aidé beaucoup de sculpteurs du Faso dans la réalisation dun visage ressemblant lorsque ceux-ci avaient des commandes de monuments de personnalités historiques. Il avait peu à peu abandonné cette peinture figurative pour aller vers une écriture picturale puisée dans le patrimoine africain.

Toutefois, il conservait des toiles de cette période. Ainsi, il y avait un tableau quil refusait de céder. Et pourtant les offres étaient alléchantes. C’était un grand gorille qui fixait du regard lobservateur à nimporte quel endroit où il se trouvait. Ce quon a appelé leffet de la Joconde. Ce gorille à la musculature puissante avait le regard méchant, plein danimosité qui transperçait et glaçait lobservateur. Lartiste expliquait avoir fait le portrait dun proche parent, un Père fouettard qui avait troublé son enfance.

Par ailleurs, il avait parfois un tel attachement à ses œuvres quil voulait racheter certaines quil avait cédées. Comme Clair de lune (1994), un petit tableau vendu à un ami. C’était la représentation dune nuit hallucinée où une pleine lune, dune blancheur dalbâtre, senfonçait dans le ciel dune épaisse nuit bleu sombre. Un tableau qui diffuse la froide beauté du ciel nocturne en même temps quil verse linquiétude d’être dans le ventre de la nuit.

Après ces œuvres figuratives dun grand réalisme, lartiste sest plongé dans le patrimoine africain, particulièrement dans la statuaire bobo pour leur emprunter des éléments iconiques et la science de couleurs. Ainsi, ses toiles mi-figuratives mi-abstraites sont composées de signes et d’écritures prises sur les masques bobo quils réinterprètent et adaptent à la surface plane de la toile. En ce qui concerne les couleurs, il les trouve dans la généreuse nature de chez lui, dans les feuilles, les fleurs, les racines et les sols. Dans ces toiles-là dominent les couleurs rouge, noire, ocre et blanche. Très virtuose, il créait des tableaux réversibles, cest-à-dire lisibles, quelle que soit leur position, et il leur impulsait du mouvement en travaillant sur une géométrie fractale. De ses créations, il se dégageait une grande énergie et aussi quelque chose d’ésotérique. Il cherchait aussi à fixer les couleurs pour les préserver de lusure du temps

Ses derniers travaux étaient moins sombres, moins violents, on y décelait quelque chose denjoué, de gai, de presque féminin avec les tons roses, verts et jaunes, la présence plus marquée de figures féminines et beaucoup d’éclaircies. Comme si, lartiste après avoir longtemps lutté contre les vents contraires, accostait enfin sur un territoire dapaisement. Comme une remontée orphique. Il faut savoir que les démons de la création sont les mêmes que ceux de lautodestruction.

Depuis quelques années, André Sanou était devenu une sorte de maître dans le monde des artistes de Bobo. Sa technique, qui puise dans la stature bobo, a fait école : beaucoup dartistes plasticiens de Bobo sont influencés par son travail et dautres sont ses épigones.

Lartiste a définitivement rangé ses pinceaux à 60 ans mais ses œuvres et son influence demeureront. Désormais, André Sanou est devenu le masque soleil, celui dont il sest beaucoup inspiré pour peindre, il est même devenu un soleil autour duquel gravitent bien des artistes plasticiens comme des planètes.

 

Saïdou Alcény Barry

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