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Recensement général de la population : Epargnez-moi ces détails que je ne saurais voir

 

Ainsi donc, nous étions exactement 20 505 155 habitants en 2020. Ni plus, ni moins. Ce n’est pas moi qui le dis ; c’est de l’Institut national de la Statistique et de la Démographie (INSD), fort de son recensement général de la population en 2019. Et à écouter ses experts, malgré le contexte sécuritaire, les 95% du territoire ont été couverts. D’où certainement ce détail à l’unité près dans le décompte. Félicitation à eux et aux intrépides agents recenseurs déployés sur le terrain ! La bonne nouvelle dans toute cette affaire, c’est surtout ce net relèvement de l’espérance de vie (5,2%) des Burkinabè qui a bondi à 64 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes. C’est quand même un bonus dans un pays en proie à l’insécurité. Même si mon voisin d’en face n’a jamais manqué de geindre, se demandant pourquoi les mâles finissent généralement les premiers à bouffer les pissenlits par les racines. Il ne sait pas que les scribouillards n’ont pas réponse à tout.

 

 

Avis donc aux démographes et autres futurs sociologues en manque de sujet de mémoire ou de thèse. Toutefois, j’ai ma petite idée là-dessus : on ne peut passer sa petite vie à se faire du mauvais sang pour garantir la popote, à ébranler sérieusement sa prostate, à expérimenter toutes sortes de breuvages et à espérer faire de vieux os. La rançon de la longévité chez l’autre moitié du ciel, c’est qu’il y a moins de garçons à épouser.

 

Mais, contrairement à  ce qu’on pense, il ne s’agit pas seulement de savoir combien d’hommes et de femmes nous sommes. Le recensement général de la population est un outil de développement qui permet à l’Etat de faire dans la prospective, comme estimer le nombre de centres de santé nécessaires dans telle ou telle zone. De ce point de vue, on apprend plein de choses, qui rassurent ou qui interrogent : l’augmentation de l’espérance de vie, la grande proportion des femmes et, surtout, des jeunes. Figurez-vous que les moins de 15 ans représentent 45,3 et ceux de 15 à 34 ans 32,6%. Une bombe à retardement pour bien des politiques.

 

Il est cependant des éléments dans ce recensement dont on se demande véritablement s’ils ont une grande pertinence pour le public. Pour les autorités peut-être que oui. En quoi est-il utile de savoir combien de chrétiens, de musulmans ou d’animistes nous sommes, quelle langue est plus usitée que telle autre ? La preuve, le classement de langues fait déjà polémique. Surtout dans le contexte actuel burkinabè, on n’en a pas besoin. Tout ce qui est propre à nous diviser doit en effet être banni.

 

 Il est vrai que l’appartenance ethnique n’est pas précisée dans ce recensement, mais rappelons que Sankara l’a fait supprimer dans la carte nationale d’identité. On peut penser ce qu’on en veut mais dans des pays auxquels on se réfère, ce n’est pas autorisé. La loi française interdit (depuis 1872 s’il-vous-plait !) de poser la question de religion lors des recensements. Le diable étant dans les détails. La prochaine fois, messieurs et mesdames de l’INSD, couvrez ces informations que je ne saurais voir.

 

Issa K. Barry

 

 

 

(1)«Couvrez ce sein que je ne saurais voir.

 

Par de pareils objets, les âmes sont blessées,

Et cela fait venir de coupables pensées» (Molière, Le Tartuffe)

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