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Rectification du MPSR : Ibrahim, « l’ami intime de Dieu » pourra-t-il nous sauver ? (1)

 

Retour donc à la case coup d’Etat.

 

Huit mois à peine après avoir renversé Roch Marc Christian Kaboré, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a, à son tour, été démis de ses fonctions de président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) dont on pensait du reste qu’il avait été ipso facto dissous dès l’adoption de la Charte de la Transition. Balayé en l’espace de 24 heures  le 30 septembre 2022 par une révolution de palais conduite par le capitaine Ibrahim Traoré.

 

 

 

Comme le coup de force du 24 janvier, tout commence par un mouvement d’humeur des soldats pour, disait-on, une histoire de primes impayées qui remonteraient au régime Kaboré. Et comme les bruits de bottes des lieutenants-colonels, ce qui avait d’abord l’allure de revendications corporatistes prend très vite un virage politique avec l’issue qu’on sait.

 

 

Les récriminations sont aussi mutatis mutandis les mêmes que le désormais ex-président avait brandies pour déposer l’enfant de Tuiré : la dégradation continue de la situation sécuritaire qui empire chaque jour un peu plus, marquée notamment par des divergences sur la conduite de la Transition et des opérations de sécurisation.

 

 

Véritable tir à bout portant, le réquisitoire du « procureur » Traoré, fait le samedi 1er octobre au micro de Lamine Traoré de Radio Oméga,  est sans appel : «Cette guerre ne se mène pas comme nous l’entendons. La valeur de l’homme, du combattant n’est pas leur souci  premier. Les hommes tombent comme des mouches mais on ne change jamais de méthode. Des problèmes logistiques mineurs persistent et à cause de certaines  pannes, vous pouvez être abattus sur vos positions. Si vous prenez l’escorte logistique de la dernière fois qui est tombée à Gaskindé, elle était composée de jeunes de la promotion 2021 qui ne savent même pas encore tenir bien une kalachnikov… » 

 

 

Il faut reconnaître que le « médecin » Sandaogo, qu’on pensait être venu avec une potion magique pour nous soulager des affres de l’insécurité,  n’aura pas réussi à apporter un remède efficace au cancer qui nous ronge depuis maintenant six ans. Bien au contraire.

 

 

Car non seulement les territoires déjà occupés quand il arrivait aux affaires n’ont pu être  reconquis, mais, pire, d’autres pans du pays ont été à leur tour grignotés par l’hydre terroriste, réduisant comme peau de chagrin les 274200 kilomètres carrés que nous ont légués nos ancêtres.  

 

 

Le 4 septembre passé, quand le ci-devant chef suprême des armées a fait son premier bilan d’étape il n’y avait guère que lui et ses fidèles pour se convaincre de l’invisible embellie dont il se gargarisait.

 

 

Au fil des mois donc, le capital de sympathie dont il jouissait au début de la part d’une partie de l’opinion s’est érodé, et cela d’autant plus rapidement que si la sécurisation du pays restait la boussole de son action, il  a quelque peu dévié de l’objectif principal pour se disperser et en faisant dans la politique politicienne de ceux qu’il critiquait il n’y a pas encore longtemps. Ajoutez-y l’augmentation indue des émoluments des membres du gouvernement, les deux millions accordés aux 71 députés de l’Assemblée législative de transition, la militarisation à outrance de l’administration publique, la nomination à la pelle de généraux dont on se demande bien à quelle logique militaire elle répond et, surtout, la plus-value sécuritaire qu’ils vont apporter dans la lutte contre le terrorisme... et l’on se rend compte que Sandoago s’était littéralement fourvoyé.

 

 

Pour ne rien arranger, on avait le sentiment qu’il n’habitait pas  la fonction, tant et si bien que certaines de ses expressions, peu sérieuses pour un responsable de ce niveau, sont passées, en un temps record, dans le lexique sociopolitique des Burkinabè.

 

 

Quel gâchis donc que ce Sandaogo qui semblait pourtant avoir toutes les cartes en main pour faire renaître l’espoir au sein de populations meurtries qui ne savent plus à quel saint se vouer !  

 

 

Huit mois de perdus donc par la faute d’une féroce damibose qui nous a davantage enfoncé dans la glaise. Et encore quelques autres mois de flottement pour remettre la machine de la Transition en marche.  

 

 

Mais si Damiba a été une grosse déception,  faut-il pour autant se réjouir trop vite de l’évolution des choses dans cette « patrie des hommes intègres » où on vole d’aventures politico-militaires en aventures politico-militaires ; surtout quand on voit les frères d’armes se tirer dessus pour le contrôle d’une situation qui était toujours un peu volatile le week-end ? Spectacle pitoyable et navrant en effet de désunion que ce face-à-face sanglant au moment même où la cohésion des Forces de défense et de sécurité doit être leur première arme pour venir à bout de la pieuvre tentaculaire qui nous enserre de ses bras mortifères et un tel affrontement ne peut qu’avoir des répercussions pour la suite du combat.

 

 

Certes les jeunes turcs de la Rectification du MPSR cornaqués par le capitaine IB ont donné des signaux positifs mais il  faut attendre de les voir à l’épreuve du terrain pour se faire une idée plus précise de  ce dont ils sont capables. C’est bien connu, c’est au pied du mur qu’on reconnaît le bon maçon et il ne faut pas oublier que Damiba avait également, aux yeux de certains de nos compatriotes, cet a priori favorable dont nous nous méfiions dès sa prise de pouvoir. On sait ce qu’il en est advenu.

 

 

On peut cependant se satisfaire d’ores et déjà de ce que les nouveaux maîtres du pays aient annoncé la tenue prochaine de nouvelles Assises nationales pour trouver un président « civil ou militaire » pour poursuivre la Transition qui devrait restée dans les clous des 24 mois définis par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.

 

 

On n’a en effet consommé que deux mois depuis que le chrono est en marche et il n’y a aucune raison, si ce n’est la donne sécuritaire, pour que ce délai ne soit pas tenu. Qui donc sera ce nouveau M’Ba Michel pour conduire cette période délicate à bon port ?

 

 

Fera-t-on par exemple de nouveau appel à Lassina Zerbo, l’éphémère Premier ministre de Roch qui n’aura même pas eu le temps de dérouler son programme avant que ne survienne le putsch du 24 janvier ? A moins qu’il ne veuille se mettre en réserve de la République pour se faire élire démocratiquement le moment venu.

 

 

 Zéphirin Diabré, dont la stature d’homme d’Etat ne souffre d’aucune contestation pourrait-il, lui aussi, être mis à contribution ?

 

 

 Ou bien va- t-on essayer pour la première fois  une femme comme on l’entend déjà. Il faut en tout cas que ce soit une personnalité compétente, intègre, consensuelle et suffisamment représentative pour réunir tous les Burkinabè autour de l’ESSENTIEL : LA RECONQUETE.

 

 

En attendant, l’ennemi se frotte les mains et ricane dans la mesure où par nos divisions et nos insouciances nous mâchons le travail pour lui.

 

Il n’en espérait pas tant.  

 

 

 

La Rédaction

 

         

 

(1)                Ibrahim, l’équivalent musulman d’Abraham, est communément appelé Khalil Allah, c’est-à-dire « l’ami intime de Dieu »

 

Dernière modification lelundi, 03 octobre 2022 22:12

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