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Tombouctou : Quand la ville sainte honore un diable

Absurdité, étrangeté, saugrenuité, anomalie, bizarrerie, aberration, provocation. Difficile de trouver le mot juste pour nommer  cette cérémonie d’hommage. Tant elle bafoue les principes élémentaires « de la paix » et « du vivre-ensemble » auxquels on voudrait la rattacher.

 

Quoi de plus normal donc que l’affaire fasse grand bruit depuis le 9 novembre dernier, date à laquelle un confrère de l’AFP a mis la main sur un document y relatif.

De quoi s’agit-il ?

Eh bien ! nous voulons parler de la délivrance d’une « attestation de reconnaissance »  pour «service rendu en faveur du retour de la paix et du vivre-ensemble» à un groupe de notabilités locales de Tombouctou, dont des chefs de villages, des imams et des cadis (juges islamiques).

Jusque-là, pas de quoi avoir le sang qui monte à la tête.

Mais lorsque l’on se rend compte que sur la liste des récipiendaires figure Houka Houka Ag Alhousseini,  l’un des pires criminels de la « ville aux 333 Saints », il y a de quoi s’interroger sur cette distinction qui interroge toute conscience humaine. Car Houka Houka Ag Alhousseini, pour ceux qui ne le savent pas ou ne s’en souviennent pas, n’est autre que le président du tribunal islamique de Tombouctou pendant la période où les combattants d'Ansar Dine et d’Al-Qaïda au Maghreb islamique contrôlaient la cité sainte.

A ce titre, entre 2012 et 2013, années de la brutalité islamiste, il avait droit de vie ou de mort sur tous ceux et toutes celles qui relevaient de son ressort juridictionnel.

Amputations de présumés voleurs, lapidation de femmes soupçonnées d’adultère, flagellation, mariages forcés de jeunes filles, synonymes de viols, destruction de mausolées, fermeture de lieux de loisirs, constituaient là quelques éléments de l’arsenal répressif au moyen duquel il a mis la ville sous coupe réglée.

Arrêté en janvier 2014 suite à l’intervention de l’armée française, il est libéré par les autorités maliennes sept mois plus tard au grand dam des organisations de défense des droits de l’homme.

Fiché par l’ONU comme l’un des individus qui font obstacle à la mise en œuvre de l’accord de paix d’Alger, Houka Houka Ag Alhousseini, a récemment encore fait parler de lui.

En effet, ces derniers jours, jouissant toujours d’une influence certaine aussi bien auprès des autorités de la transition malienne qu’au sein des populations locales, il a marqué son accord pour la réouverture des écoles. Mais un accord assorti de fatwas : séparation des filles et des garçons, port de vêtements conformes à l’islam rigoriste, enseignement de l’arabe et du Coran dans les classes.

Voilà quelques états de services de celui que le gouverneur de Tombouctou a tenu à célébrer pour  «service rendu en faveur du retour de la paix et du vivre-ensemble». De celui qui rêve d’un califat au Mali où l’islam sera reconnu comme seule religion et la charia comme seule loi. De celui qui passe pour  la figure complète du taliban du Sahel et désire transposer le modèle de l’extrémisme afghan dans le septentrion malien, en l’occurrence la police pour la promotion de la vertu  et la répression du vice.  

Oui, c’est un tel zélateur de l’obscurantisme religieux que le colonel Assimi Goïta a choisi d’élever à la dignité car de par sa fonction, le gouverneur n’est rien d’autre que le représentant du chef de l’Etat.

Un véritable paradoxe quand on sait que le terrorisme contre lequel se bat la junte malienne se nourrit des mêmes matériaux idéologiques qui façonnent la vision religieuse de  Houka Houka Ag Alhousseini.

Faut-il en rire ou en pleurer ?

Alain Saint Robespierre

Dernière modification lemardi, 15 novembre 2022 23:29

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