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Projet de report présidentielle sénégalaise : Quelle sale mouche a bien pu piquer Macky Sall ?

Passera, passera pas ? Hier, tout le Sénégal était suspendu au résultat de l’examen par l’Assemblée nationale du très controversé projet de loi portant report de la présidentielle, initialement prévue pour le 25 février prochain.

 

Mais jusqu’au moment où nous tracions les présentes lignes de cet article, la fumée blanche ou noire, c’est selon, ne s’était pas encore élevée de l’hémicycle, transformé en véritable fortification avec une forte présence de gendarmes face à des manifestants hostiles à toute idée de glissement du processus électoral.

Pendant ce temps, ailleurs en ville, la tension était tout aussi palpable, voire exacerbée par la coupure du réseau Internet pour raison de menace contre l’ordre public.

Cette ambiance à couper au couteau rappelle les violentes scènes de révolte qui ont secoué le pays en mars et juin 2021, lors des ennuis judiciaires de l’opposant Ousmane Sonko, actuellement détenu à la prison du Cap Manuel.

Cette soudaine détérioration du climat sociopolitique est partie de la décision du chef de l’Etat,  Macky Sall, de renvoyer aux calendes sénégalaises, pardon aux calendes grecques, le scrutin de février. Cela, dit-il dans son adresse à la nation du 3 février, suite aux suspicions de corruption de juges du Conseil constitutionnel qui a invalidé une dizaine de candidatures, dont celle d’Ousmane Sonko du PASTEF et de Karim Wade du PDS. Disqualifié pour sa double nationalité, ce dernier a, dans la foulée, initié un projet de création d’une commission d’enquête parlementaire sur cette affaire présumée d’indélicatesse dont se seraient rendus coupables deux des sept Sages.

Sitôt introduite, sitôt soutenue par les élus de la majorité présidentielle, sitôt la trouvaille du PDS  adoptée par le Parlement par 120 voix sur 165.

C’est donc dans cette ambiance très tendue que le premier magistrat de la République intervint pour révoquer le décret convoquant le corps électoral, pour mieux garantir « les conditions d’une élection plus inclusive », selon lui.

Voilà donc l’Assemblée nationale, réunie hier lundi,  appelée à se prononcer sur un projet de loi en ces deux articles : l’un  sur le report du scrutin présidentiel d’au moins six mois et l’autre autorisant  Macky Sall à prolonger son mandat jusqu’à l’installation de son successeur.

Pour l’opposition, à défaut d’un troisième mandat auquel il a renoncé sous la clameur publique, la mort dans l’âme, le président sortant entend user d’un coup de force constitutionnel pour s’octroyer une rallonge.

Pour elle, la recherche de « conditions d’une élection plus inclusive » n’est rien d’autre qu’un écran de fumée pour éviter une défaite inéluctable si le scrutin se tenait à bonne date.

En effet, pour certains, le Premier ministre, Amadou Ba, candidat controversé  au sein même de la coalition présidentielle, n’aurait pas les faveurs des sondages à quelque trois semaines du vote. D’où ce projet d’ajournement pour se donner du temps pour, sinon mieux doper le dauphin présidentiel, du moins procéder à son remplacement au profit d’un autre au poids électoral sans conteste.

Mais quel que soit le mobile de ce projet de report, c’est tout le Sénégal qui est de nouveau engagé dans l’incertitude du lendemain. Car rien ne saurait justifier ce micmac électoraliste qui n’honore pas le pays de Senghor, jadis modèle de raffinement démocratique en Afrique et encore moins celui qui en est l’auteur.

Quelle mouche a bien pu piquer le natif de Fatick pour qu’il ose un tel sacrilège au lendemain d’une fin de mandat déjà chaotique, serait-on tenté de s’interroger ?

Au regard de la configuration de l’Assemblée nationale, dominée par la coalition présidentielle, qui bénéficie du soutien opportuniste du PDS, sauf tremblement de terre,  le projet de loi portant report du scrutin passera comme une lettre à la poste.  

Mais en politique, la voix des élus du peuple n’est pas toujours celle du peuple.

En attestent les violentes  manifestations qui ont accueilli l’annonce de cette funeste décision de décalage dont la très probable onction par l’Assemblée nationale sonnerait comme une déclaration de guerre à une opposition déterminée  à se faire entendre.

Alain Saint Robespierre

Dernière modification lemercredi, 07 février 2024 23:10

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