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Regard sur l'actualité

Regard sur l'actualité (734)

Visite ministre français des Affaires étrangères au Tchad et en Ethiopie: En casque militaire et costume de diplomate

C’est un voyage qui aurait pu ne pas retenir l’attention tant l’Afrique est depuis longtemps le théâtre de ballets diplomatiques, notamment des grandes puissances qui rivalisent de stratégies pour consolider chacune ses intérêts économiques et géostratégiques.

Mais la tournée entamée hier mercredi 27 novembre 2024 par le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, revêt quant à elle un cachet plus ou moins particulier. Un cachet particulier au regard des deux destinations de ce premier séjour en Afrique subsaharienne de celui qui occupe le Quai d’Orsay depuis septembre dernier.

Ce déplacement l’a conduit hier d’abord au Tchad d’où il rejoindra aujourd’hui l’Ethiopie.

A N’Djamena, il a été notamment question du Soudan voisin dont la crise humanitaire consécutive à la guerre civile menace l’équilibre sous-régional avec les nombreux réfugiés. Sur ce dernier point, il s’est rendu à Adré près de la frontière dans un camp de réfugiés. La France avait été le chef de file de la conférence des donateurs d’avril dernier qui avait abouti à des promesses de dons d’un montant de deux milliards d’euros.

Mais sans nul doute qu’avec les autorités tchadiennes, l’essentiel du menu de ce voyage portera sur les questions militaires. Au regard des changements politiques et géostratégiques intervenus ces dernières années en Afrique, le Coq gaulois a dû changer son fusil d’épaule.

Accusé à tort ou à raison par certains d’alimenter le terrorisme sinon de n’avoir pas su apporter la réponse adéquate au Mal, l’Hexagone a subi ces derniers temps un rejet dans de nombreux pays africains, particulièrement dans son ancien pré carré. A cela s’ajoutent les coups de boutoir que lui assènent des puissances militaires rivales soupçonnées d’entretenir le sentiment anti-français.

Ballottées de toutes parts par des vents défavorables, les autorités françaises ont fini par opter de réduire leur présence militaire sur le continent. Ainsi, les contingents en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Gabon, à Djibouti et au Tchad verront leurs effectifs drastiquement diminués.

Quand ont sait que c’est  le pays de  Tumaï qui abrite le gros lot des troupes tricolores en Afrique avec un millier d’hommes, on comprend aisément pourquoi le ministre français des Affaires étrangère a choisi d’effectuer le voyage au Tchad, allié historique de Paris  dans la région…

S’agissant de la seconde étape de ce périple qui est l’Ethiopie, il y sera davantage question de diplomatie. A Addis-Abeba où se trouve le siège de l’Union africaine (UA), Jean-Noël Barrot est en quelque sorte en mission de soutien. En effet, le France figure parmi les 5 membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU qui plaident pour l’intégration dans ce cercle très restreint de deux pays africains. Paris épouse là une vieille revendication du continent qui a toujours crié à la discrimination et à la marginalisation au regard de l’absence d’un représentant africain dans ce saint des saints de la Tour de verre de Manhattan.

L’évangile de Jean-Noël Barrot sera certainement  suivi avec grand intérêt, mais suffira-t-il à apaiser les relations houleuses qui existent actuellement entre l’ancienne métropole et ses ex-colonies d’Afrique? Rien n’est moins sûr.

 

Hugues Richard Sama

 

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Eviction PM malien: Par ici la sortie, Excellence!

Ce qui devait arrivé est arrivé. Le Premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, et l’ensemble de son gouvernement ont été remerciés selon un communiqué lu hier en début de soirée à la télévision nationale. Les rumeurs sur cette éviction s’étaient accentuées depuis le report dans la matinée du traditionnel Conseil des ministres au palais de Koulouba.

En temps normal, ce n’ était pas un événement. Pour une ou mille raisons, la rencontre hebdomadaire des membres du gouvernement peut être reportée sans que cela donne lieu à quelque conjecture que ce soit. Sauf que depuis samedi, le temps n’était plus vraiment à la normale sur les bords du Djoliba.

A la faveur d’un meeting du Mouvement du 5-Juin Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) à l’occasion  de la reconquête de Kidal, le Premier ministre  Choguel Kokalla Maïga, avait en effet sorti l’artillerie lourde contre les militaires qui dirigent le pays depuis maintenant quatre ans.

Entre autres griefs, la prolongation de la Transition sans consultation puisqu’il dit avoir appris la décision du report sine die des élections dans les médias, pour ne pas dire dans la rue, comme n’importe quel quidam. Il se sentait donc contourné et n’a pas caché son amertume sur la conduite des affaires de l’Etat.

Du coup, pour de nombreux observateurs, ses jours à la Primature étaient comptés.  Il faut dire que par définition, un Premier ministre est toujours assis sur un siège éjectable, que ce soit en bonne démocratie ou dans un Etat d’exception, puisqu’il est souvent considéré comme le fusible qui doit sauter pour sauver son patron pour ne pas dire toute la machine gouvernementale.

Pour le cas-ci, le PM s’était mis objectivement sur la voie du «dégagement», pour reprendre une expression en vogue sous le Conseil nation de la révolution (CNR) de Thomas Sankara.  Et  on ne voyait pas trop comment il pouvait continuer à servir un président qu’il a littéralement dézingué dans son interminable allocution devant ses partisans. D’ailleurs, ces derniers jours, de nombreux soutiens du pouvoir avaient battu le pavé à Bamako et à l’intérieur du pays pour exiger la démission de celui qui était désormais considéré comme un traire. Sauf que l’incriminé  ne voulait pas se résoudre à la démission, préférant plutôt qu’on le démette sur fond de petits calculs politiciens d’arrière-boutique.

Il a eu beau jeu de faire feu sur les généraux pour se faire une nouvelle «virginité politique», mais n’a-t-il pas contribué à pourrir la situation au temps de IBK avec d’autres forces  comme le Haut Conseil islamique du Mali (HCIM) avec à sa tête l’imam Dicko, chose qui avait amené les militaires à «prendre leurs responsabilités»? N’est-ce pas le même Kokolla Maïga qui ne voulait même pas voir les soldats  en peinture qui a fini par se mettre à leur service, poussé sans doute par une certaine ambition dévorante? Pour ainsi dire, il était très mal placé pour cracher dans la soupe kaki après s’en être goulûment délecté pendant plus de trois ans.

Mais si son objectif était de se mettre en réserve de la République dans la perspective du  «retour à une vie constitutionnelle normale», il se berce d’illusions, car sauf tremblement de terre on ne voit pas trop comment le général Assimi Goïta va lâcher l’affaire.

 

 

Hugues Richard Sama

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Arrestation d’Issa Kaou N’Djim: Le CSC exerce son droit de poursuite médiatique au Mali

Les choses sont allées avec une redoutable célérité.

- Dimanche 10 novembre 2024 à Bamako, dans les studios de la télé Joliba TV. Sur le plateau de l’émission « Rendez-vous des idées », Issa Kaou NDjim, connu pour son franc-parler, qui était invité avec dautres personnes, a estimé au sujet de la dernière tentative de déstabilisation à 5 milliards de francs CFA éventée au Burkina que ce serait du pipeau.

- Mardi 12 novembre, Ouagadougou. Mécontent de cette sortie médiatique, le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina, dans une correspondance adressée à son homologue malien, a porté plainte contre Joliba TV News pour des déclarations « gravissimes » et « insultantes » envers le peuple burkinabè. Les propos du polémiste, selon linstance de régulation, jettent le discrédit non seulement sur les dirigeants burkinabè, mais aussi sur la lutte que mène lEtat pour préserver sa stabilité face aux menaces sécuritaires. Le CSC invite enfin la Haute Autorité de la communication (HAC) à «  réserver toute suite quelle jugera appropriée à la diffusion de cette émission qui est aux antipodes des relations fraternelles et du combat des Peuples de lAES pour la dignité et lindépendance réelle de nos Etats. »

Sitôt demandé, sitôt fait. Mercredi 13 novembre 2024. Interpellation de lancien vice-président du Conseil national de Transition (CNT), passé depuis à lopposition, à son domicile à Bamako par des agents en civil pour affaire le concernant. On a appris plus tard que celui qui est également le beau-fils de limam Dicko a été placé sous mandat de dépôt pour «offense commise publiquement envers un chef dEtat par le biais de système dinformation». Il sera jugé le 12 février prochain. Quant à la télé, son directeur et son directeur de linformation qui faisait la police des débats ont été convoqués par la HAC pour une «séance d’écoute».

Cette célérité extraordinaire sonne, en tout cas, comme une mise en garde à tous les débatteurs des plateaux télévisés au Mali, où la parole est encore relativement libre.

Avec ce qui vient de se passer, on a le sentiment, que le Conseil supérieur de la communication a exercé dans une certaine mesure un droit de poursuite, l'équivalent médiatique de ce qui se passe entre les  Forces de défense et de sécurité (FDS)  des trois pays de l'Alliance des Etats du Sahel (AES) dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. On s'achemine, pour ainsi dire, vers une AES des régulateurs (avec celui de Guinée) dont un forum est dailleurs prévu en décembre  pour une meilleure  collaboration.

On ne serait pas étonné que ce qui vient de se passer au Mali arrive également au Burkina si d'aventure un média quelconque ou un animateur de plateau télé s'avisait de critiquer le général Assimi Goïta ou le général Abdourahame Tiani. Ce serait le moins que le CSC pourrait faire sil était saisi, cest-à-dire renvoyer l'ascenseur à ceux qui viennent de lui rendre service de la façon la plus express possible. On sachemine donc vers une mutualisation des moyens entre les gendarmes de la communication pour épingler les contrevenants.

On espère que la collaboration entre les FDS des trois pays concernés épouse la même solidarité et la même rapidité pour quon vienne à bout de la pieuvre qui nous enserre de ses tentacules depuis un bon bout de temps et contre laquelle les différentes armées ainsi que les volontaires engagés à leurs côtés se battent avec un admirable courage.

Mais en attendant, journalistes, éditorialistes et débatteurs de l'AES, tremblez !

 

Hugues Richard Sama

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Le Goncourt 2024 : Un prix politique ?

Sur les quatre finalistes, on savait que le prix se jouait entre Houris de Kamel Daoud et Jaracanda de Gaël Faye, deux auteurs très connus du public et dont les romans sont déjà des succès de librairie, Jaracanda arrivant en tête des ventes, selon Livres Hebdo.

Le jury du Goncourt a préféré Houris, un roman sur la décennie noire en Algérie, la guerre civile des années 1990 ayant opposé l'armée régulière aux islamistes qui ont pris les armes après quon leur a ravi leur victoire aux élections. Celle-ci a fait des milliers de morts. Toutefois, un armistice intervenu entre les belligérants a amnistié tous les crimes de cette période et une loi a interdit que l'on évoque cette période sanglante. Donc Houris tombe sous les coups de cette loi en Algérie où il a dailleurs été interdit dès sa sortie. Gallimard, l’éditeur du roman, en a fait les frais puisqu'il n'a pas été invité au Salon du livre d'Alger de cette année.

Kamel Daoud est un journaliste et écrivain dont le premier roman, Meursault contre-enquête, un roman qui donne un nom et une vie à lArabe tué par Meursault dans lEtranger de Camus, a décroché le prix Goncourt 2009 du premier roman. Lhomme est une belle plume et un polémiste dont les éditos dans Le Point en ont fait une personnalité publique très clivante, à qui beaucoup reprochent davoir une position proche de lExtrême droite française sur les questions de racisme, dimmigration et sur lislam ou sur la dette coloniale.

Houris mérite sans doute son sacre pour sa qualité littéraire, mais les premières sorties du président du jury Goncourt et du lauréat dans la pesse, ils sont malheureusement focalisés sur laspect politique du roman, ce qui ne va pas arranger la réception de louvrage en Algérie et dans sa diaspora en France. En effet, lauteur a rendu hommage à la France comme pays de la liberté dexpression, « je sais quon aime le French Bashing mais pour moi, ce pays-là, cest un pays daccueil pour les écrivains », offrant pain bénit à ces contempteurs qui trouvent quil est un intellectuel de service, un Arabe alibi, un Harki qui sert le maître sans lincommoder en crachant sur sa culture, sur le monde arabe tout en refusant de critiquer la politique française dans le monde, Israël dans la guerre à Gaza et au-delà, une géopolitique belliqueuse qui est responsable des tragédies dans le monde arabe.

La bonne nouvelle dans les grands prix littéraires de cette année est que le Goncourt a récompensé un écrivain franco-algérien et que le Renaudot est revenu à Jaracanda, roman dun auteur franco-rwandais. Ce qui veut dire quil y a en œuvre un processus de décentrement de la littérature française de lHexagone vers les territoires francophones dAfrique. Le butin de guerre de Kateb Yacine, la langue française, retrouve ainsi de la vigueur sur ces terres et simpose de plus en plus dans la littérature française hexagonale. Belle revanche !

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Afrique de l’Ouest : Crise de « généralite » aiguë

 

« Des généraux comme s’il en pleuvait » ; c’était le titre de notre éditorial du 16 octobre dernier, après qu’Assimi Goïta se fit bombardé général d’armée, pour lui le locataire du palais de Koulouba, et, dans la foulée, une dizaine d’officiers recevant en fonction de leur positionnement institutionnel et stratégique et surtout, selon la vulgate officielle, en raison de leur engagement dans la lutte contre le terrorisme.

 

C’est à croire qu’il y a une épidémie de généralité aigue dans la sous-région. A la faveur de la fête de l’armée, un autre putschiste s’est fait plaisir. Mamadi Doumbouya, 44 ans, a, en effet, été fait général d’armée, neuf mois seulement après s’être auto-promu général de corps d’armée. Dans son sillage, une fournée d’une quinzaine d’autres officiers ont été élevés au grade de général, comme ce fut le cas au Mali.

 

Cérise sur le gâteau, le fraîchement propulsé général d’armée a reçu la médaille de Croix de guerre et de Grand-Croix. Et l’on est censé dire « Félicitations mon général » ? Vraiment, si le ridicule pouvait tuer, il y aurait de nombreux dirigeants qui devraient être à six pieds sous terre. C’est quoi ces promotion tgv qui ne riment à rien, si ce n’est pour flatter l’orgueil de ceux à qui on a décerné des étoiles jusqu’à la mâchoire ?

 

Certes, pour avoir débarqué Alpha Condé qui avait eu le tort de vouloir jouer les prolongations au palais de Sékhouthouréya, il a fait preuve de salubrité publique. Cela suffit-il pour s’auto-glorifier de la sorte ?

 

Voilà en effet un militaire qui a sans doute des faits de services conséquents, mais qui, en 2009, à la fin de son contrat à la Légion étrangère française, quittait avec le grade de… caporal. Retour au pays en 2012. Une fois rentré, son heure de gloire sonnera en 2018 quand celui qu’il déposera plus tard en fera le commandant du Groupement des forces spéciales. En 2019, il devient lieutenant-colonel, puis colonel plein l’année suivante par le fait du prince.

 

Le président Alpha Condé ne tarissait pas d’éloges à son endroit, avec le pic de visibilité pendant la célébration des 60 ans de l’indépendance du pays devant la prestance du colosse à la tête du défilé. Puis vint le putsch du 5 septembre 2021 qui le propulsa à la tête de l’Etat.

 

Mais, on a beau chercher, on se demande toujours s’il avait vraiment besoin de ces étoiles presque de complaisance. De plus en plus, sous nos cieux, on a l’impression d’être dans des armées mexicaines où, à force d’avancements spectaculaires, on finit par dévaluer les grades.

 

On aura, à la limite, compris si à la fin de la transition, Doumbouya organisait des élections libres, transparentes et démocratiques, qu’il remettait le pouvoir aux civils et, là, on lui aurait même donné maréchal pour avoir rendu service à la nation. Hélas ! il ne semble pas en prendre la direction, puisque, de plus, et n’y voyez surtout pas sa main derrière ces manifestations, des voix s’élèvent, le suppliant de perdurer au pouvoir ou, à tout le moins, de se présenter si une hypothétique élection était organisée.  Ridiculous !

 

 

 

La Rédaction

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« Personne n’est à l’abri d’une fausse information »: (Adnan Sidibé, meilleur fact-checker africain de l’année)

Journaliste à Fasocheck, Adnan Sidibé a remporté, le 10 octobre 2024, à Accra, le prix du meilleur fact-checker professionnel du continent africain. C’était lors de l’«Africa Fact Summit», un évènement qui récompense chaque année les meilleures productions dans le domaine de la vérification de l’information. Titulaire d’une licence en sciences de l’information et de la communication en 2020, il a rejoint une année plus tard l’équipe de Fasocheck, qui traque la désinformation et les discours de haine. Dans cette interview, le lauréat du prestigieux prix revient sur son travail et donne quelques conseils pour éviter de tomber dans le panneau des fabricants de fausses nouvelles.

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