On pensait qu’après la défaite d’Hillary Clinton face à Donald Trump en 2016, les Américains essaieraient cette fois-ci une femme. C’est encore raté. Donald Trump n’aura fait même qu’une bouchée de Kamala Harris alors que les instituts de sondage annonçaient un scrutin serré où les candidats républicains et démocrates se tenaient dans un mouchoir de poche. Il n’en fut rien. Les fameux «swing states» comme la Caroline du Nord, la Georgie et le Pennsylvanie, qui décident généralement du sort de la présidentielle, ont tous basculé très rapidement pour Trump, mettant fin à tout suspense. Le milliardaire new-yorkais s’est même permis de remporter le suffrage populaire, chose qu’il n’avait pu réaliser lors de sa première élection. Et cerise sur le gâteau pour son camp, les Républicains reprennent le contrôle du sénat. c’est une véritable vague rouge qui a déferlé sur les Etats-Unis d’Amerique, partout l’Eléphant a barri et l’Ane a mordu la poussière. ( Ces animaux sont les symboles respectifs des deux partis).
Cette défaite des Démocrates est avant tout celle des sondeurs qui, une fois de plus, n’ont rien vu venir dans leur labyrinthe de chiffres alors qu’ils disaient avoir tiré les leçons du scrutin de 2016 et avoir corrigé leurs méthodes en intégrant de nouveaux paramètres. Le vote caché pro-Trump semble être la clé de leur insuccès. C’est la preuve qu’une enquête d’opinion demeure une jauge imparfaite malgré le caractère scientifique qu’on veut lui donner.
Retour gagnant donc pour l’ancien animateur de la télé-réalité The apprentice, touché mais jamais coulé. Après Grover Cleveland à la fin du XIXe siècle, mister Trump sera le deuxième président a avoir récupéré son fauteuil quatre ans après en avoir été éjecté, ou du moins «viré» pour reprendre son expression fétiche quand il était le roi de la télé.
Avec la majorité des grands électeurs dans son escarcelle (il en avait 277 hier contre 224 pour son adversaire au moment où nous mettions sous presse et alors qu’il restait encore quelques Etats qui n’avaient pas encore livré leur verdict), il ne reste plus qu’à Donald Trump quelques formalités pour reprendre son fauteuil dans le Bureau ovale, sauf si la justice le rattrapait entre-temps. Le champion du Grand old party est sur le coup de plusieurs procédures judiciaires, notamment pour l’affaire Stormy Daniels, du nom de cette star du porno dont Donald Trump aurait voulu acheté le silence et pour ses tentatives d’inverser les résultats de la présidentielle perdue face à Joe Biden. La plupart de ces procédures ont été gelées le temps de l’élection présidentielle et avec ce résultats beaucoup d’experts estiment que nombre de ces dossiers sales seront enterrés et avec les honneurs de la République.
La première étape après les votes le 5 novembre 2024 est la certification des résultats par chaque Etat. Le 17 décembre prochain, les 538 grands électeurs vont se réunir pour voter le vainqueur qui sera celui qui récoltera au moins 270 voix. Le 6 janvier 2025, le Congrès devra ensuite se réunir en session conjointe pour compter les votes du collège électoral. Ironie du sort, c’est le vice-président (en tant que président du sénat), en occurrence donc Kamala Harris qui doit présider cette séance qui va donner l’onction parlementaire à l’élection de son adversaire. Autant dire prononcer sa propre oraison funèbre électorale.
Ce sera finalement le 20 janvier que Donald Trump prêtera serment pour entrer officiellement dans ses fonctions comme 47e président du pays de l’Oncle Sam. Son colistier James David Vance deviendra à 40 ans l’un des plus jeunes vice-président de l’histoire de l’Amérique.
La candidate démocrate a-t-elle payé son entrée tardive en campagne puisqu’elle a dû remplacer au pied levé Jo Biden dont l’âge, les trous de mémoire et les bourdes avaient fini par devenir des boulets pour ses soutiens, sans oublier son bilan économique peu reluisant qui a, dans une certaine mesure, plombé la campagne de sa vice-présidente ? A moins que le fait d’être non seulement femme mais noire (elle est née d’un père Jamaïcain et d’une mère indienne) n’ait constitué un obstacle rédhibitoire pour l’ancienne procureure.
Quoi qu’il en soit, cette campagne et cette élection aura révélé une Amérique fracturée sur de nombreuses questions de société comme l’avortement, l’immigration, les soins de santé et les questions économiques. Car c’est avant tout ces sujets domestiques qui déterminent le choix de l’électorat plus que les grandes questions internationales qui sont presque absentes du débat. Tout au plus, les rivalités avec la Chine, le conflit israélo-palestinien, l’OTAN et la guerre en Ukraine ont-ils constitué les principaux thèmes internationaux de cette campagne.
Sur l’Ukraine, Trump a promis de faire taire les armes en 24h sans qu’on ne sache trop comment il va s’y prendre avec son «ami» Poutine et à quel prix pour l’Ukraine.
L’OTAN? La doctrine trumpienne est que chaque Etat doit casquer pour sa propre défense et que l’Amérique cesse de cracher au bassinet.
Quant à l’interminable guerre fratricide entre Israéliens et Palestiniens, avec la dernière résurgence depuis plus d’une année maintenant, une chose est sûre, Benyamin Netenyahou qui est l’un des premiers dirigeants à avoir félicité Donald Trump peut compter sur son soutien indéfectible. Ce retour triomphal à Washington constitue presque un chèque en blanc pour l’époux de Melania pour faire tout et certains le craignent, n’importe quoi.
Et l’Afrique dans tout ça ? Comme toujours, elle a été royalement ignorée tout au long de ces mois de campagne et on ne voit pas trop ce qui pourrait changer avec le retour du bientôt octogénaire aux cheveux peroxydés. Tout au plus pourrait-on s’attendre à une remise en cause de programmes tels le Compact ou la Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA) qui abolit depuis 2000 les droits d’importation aux USA de produits fabriqués dans un certain nombre de pays d’Afrique subsaharienne et qui expire normalement en 2025 .
Pour le reste, le Berceau de l’humanité demeure un ramassis de «pays de merdes» dont Donald Trump parlait lors de son premier passage à la Maison-Blanche.
Autant dire que l’Afrique et le monde sont encore partis pour quatre ans de «Trumperies» dont on se demande dans quel état elles vont laisser l’Amerique.
Au moins avec cette victoire sans bavure, la paix sociale est sauve puisqu’en cas de défaite de leur gourou, il y avait des risques que les «trumpistes» se fassent entendre (encore) violemment. Qui plus est, avec Trump à la tête de la première puissance économique mondiale, on sait déjà à qui on a affaire et à quoi s’attendre : comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, ça va faire des dégâts!
Hugues Richard Sama